En manchettes la semaine dernière:
La science rapetissée
A lire également cette semaine:
Ne lisez pas l'étiquette de ce médicament
Enzyme et Alzheimer
Minute, mammouth!
Les dinosaures de Madagascar
Mission- suicide réussie
Et plus encore...
Archives des manchettes

LE KIOSQUE
Pour être branché sur la science
Notre nouvelle section:
Capsules québécoises
Qui sommes-nous?

Retour à
la page d'accueil

En manchettes sur le Net est
une production Agence Science-Presse
 |
La vie artificielle
Les scientifiques qui manipulent la vie vous font peur ou vous fascinent?
Si vous n'aviez pas encore assez d'histoires à vous raconter le soir
au coin du feu, en voici une toute fraîche: des chercheurs ont créé
un chromosome artificiel, et une souris l'a transmis à ses descendants.
En biologie, on apprend aux étudiants que les humains, même
ceux qui sont derrière le clonage ou les bébés-éprouvettes,
ne "créent" pas vraiment la vie, en dépit de l'impression
que donnent les manchettes des journaux. Ils prennent plutôt quelque
chose qui existe déjà, et ils s'en servent pour faire autre
chose que ce qui était prévu au départ. C'est la base
même des manipulations génétiques, et c'est ainsi que
Dolly, la brebis la plus célèbre du monde, est née.
Mais quand on en arrive à ce chromosome artificiel, dont le tout
premier exemplaire nous est tombé dessus en
mai 1998, ces certitudes sont quelque peu ébranlées. Et
quand le New Scientist nous apprend cette semaine qu'un de ces chromosomes
artificiels, implanté dans une souris, a
pour la première fois été transmis avec succès
aux descendants, alors un frémissement parcourt tous les comités
d'éthique du monde.
Parce qu'un chromosome, ce n'est pas un simple gène parmi 10 000
ou 100 000, ce n'est pas une protéine susceptible de sécréter
telle ou telle subtance. Un chromosome, c'est la base même de la vie.
Un être humain en compte 46, pas un de plus, et ce sont eux qui abritent
les gènes. Si on commence à rêver au jour où
on pourra en ajouter un 47e ou -plus probablement- remplacer un chromosome
naturel par un chromosome artificiel, c'est qu'on est rendu très
loin.
Evidemment, il y a un objectif médical derrière ça:
sachant que ce sont des gènes défectueux qui sont à
l'origine de maladies telles que la dystrophie musculaire ou la fibrose
cystique, et que le remplacement d'un gène défectueux par
un gène sain -ce qu'on appelle la thérapie génique-
est plutôt coton -il faut le localiser, ce gène, et il faut
convaincre le nouveau-venu de s'installer à demeure dans son nouveau
chez-soi- pourquoi, se sont dit les chercheurs, ne pas remplacer le chromosome
au complet?
La compagnie responsable de cet exploit chez une souris, Chromos Molecular
Systems, de Burnaby, Colombie-Britannique (Canada), affirme
n'avoir aucunement l'intention de s'essayer chez un humain. Elle a bien
des raisons de vouloir le préciser, parce que le simple fait de l'avoir
réalisé chez une souris démontre que ce serait possible
chez un humain.
L'intention de Chromos, a dévoilé sa vice-présidente
la semaine dernière à Londres dans le cadre d'un congrès
en biotechnologie, est plutôt de créer des lignées d'animaux
dont le lait contiendrait des produits d'usage pharmaceutique -bref, exactement
ce pourquoi plusieurs animaux, à l'heure actuelle, se voient injecter
des gènes étrangers. Là encore, l'injection d'un chromosome
entier plutôt qu'un seul gène pourrait s'avérer plus
facile -et par conséquent, plus rentable.
On n'en est pas encore là. Les résultats présentés
à Londres par Chromos soulignent qu'il a fallu pas mal d'essais ratés
pour en arriver à ce succès. Mais c'est le premier pas. Et
nul ne se fait d'illusion: les humains attendent en rangs serrés,
pas très loin derrière. Interrogée par le New Scientist,
Claudia Mickleson, du MIT, à la tête d'un comité chargé
de conseiller le gouvernement américain sur ces nouvelles percées
de la génétique, déclare qu'elle n'approuvera jamais
d'expérience de ce genre sur des humains... tant que des tests pré-cliniques
poussés n'auront pas eu lieu. Bref, le pied est déjà
dans la porte...
Et après tout, le public n'y est-il pas déjà prêt?
Les sondages, souligne le New Scientist en éditorial, démontrent
que les gens sont opposés à tout ce qui rapproche d'une manipulation
génétique... sauf lorqu'on leur annonce que ça peut
les guérir d'une maladie grave. |