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Le jour G
Cette fois-ci, c'est vrai. Oubliez les annonces-pour-faire-grimper-les-actions,
oubliez les disputes entre groupes rivaux engagés dans
une "course": l'histoire des sciences retiendra le
lundi 26 juin 2000 comme le jour où une première
carte du génome humain a été enfin déposée.
Il subsiste des trous dans cette carte (environ 90 à
95% du génome, selon les estimations) mais pour l'instant,
c'est aussi loin qu'il sera possible de se rendre avant deux
ou trois ans. Avec cet outil en main, les généticiens
peuvent maintenant travailler à identifier les 3,1 milliards
de lettres sans espaces ni ponctuations qui définissent
tout être humain.
Autrement dit, à présent, les
choses sérieuses peuvent commencer: l'identification
du rôle de ces 3,1 milliards de lettres. Une lettre à
la fois.
Bref, cette
date historique marque le début d'une aventure, et
non sa fin. Pour reprendre une vieille
métaphore: c'est comme si, explique Libération,
on venait de découvrir les 3 milliards de caractères
d'un texte, "avec des blancs et pas mal d'erreurs. Et qu'il
restait à corriger les erreurs, à trouver le découpage
des mots et surtout à découvrir leur sens."
Bref, on n'est pas sorti de l'auberge. Les experts croient qu'il
y en a pour des décennies encore, à trouver le
sens de tous ces mots, toutes ces paires de base, toutes ces
protéines produites par tous ces gènes.
Un travail d'autant plus long que le séquençage
aujourd'hui complété était, lui, une activité
relativement automatisée, qui nécessitait davantage
de capacités informatiques que de cervelle...
L'annonce a été faite en grandes pompes, et
en choeur, dans six pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne,
Japon, Chine) puisque, on a eu tendance à l'oublier ces
dernières semaines, ce projet de "séquençage"
du génome humain était
un projet international, nécessitant la coopération
de plusieurs centres de recherche parmi les plus avancés
du monde -du Centre Sanger de Grande-Bretagne jusqu'au Génoscope
de France en passant par... la compagnie privée américaine
Celera. Celera Genomics, celle qui a tant été décriée
depuis l'an dernier.
Les Américains, justement, ne se sont rien refusés,
se permettant de faire leur propre annonce à la Maison-Blanche,
avec Président Clinton à la clef, doublé
d'une liaison satellite avec Londres, où le premier ministre
Tony Blair faisait lui aussi sa prestation. Etaient également
présents à Washington, les deux vedettes de l'heure
: le Dr Francis Collins, président du volet "public"
du projet international Génome humain, et le Dr Craig
Venter, président de Celera Genomics.
On a eu tendance à oublier la portée historique
de l'événement, parce que l'actualité de
ces derniers mois a été bien davantage marquée
par la présence d'une lutte plus commerciale que scientifique,
entre Celera et... tous les autres. Celera était, et ne
s'en cachait pas, désireuse de garder pour elle le maximum
d'informations le plus longtemps possible : parce que la masse
de données contenues dans ces 3,1 milliards de lettres
-on n'est plus très sûr, depuis quelques semaines,
du nombre exact de gènes que cela signifie, peut-être
30 000, peut-être 100 000- pourrait révolutionner
la médecine. D'où l'intérêt, dans
un univers bassement capitaliste...
Il ne faut toutefois pas minimiser l'impact de cette annonce,
sur la base des fausses annonces
des derniers mois : l'achèvement du séquençage
du génome humain, en dépit des décennies
de travail de " décodage " qui restent à
accomplir est
pour la biologie l'équivalent du débarquement sur
la Lune. Pour la première fois de l'histoire, les
humains ont entre leurs mains le "livre" de la vie.
De leur vie. Lourde responsabilité pour une créature
que d'aucuns jugent à peine sortie de l'âge des
cavernes...
Comme l'a résumé ce 26 juin Mike Dexter, directeur
de Wellcome Trust, " ce jour pourrait bien être vu
comme l'un des jours les plus importants de l'histoire humaine.
Le projet Génome humain a la capacité d'avoir un
impact sur chaque humain vivant sur Terre. "
" C'est mieux que l'invention de la roue, parce qu'une
technologie peut toujours devenir obsolète. Le génome
ne le sera jamais. "
Les
rivaux ont mis de côté leurs différends pour
cette annonce, mais pour eux aussi, le
travail ne fait que commencer. C'est ensemble qu'ils ont
dévoilé l'achèvement du séquençage,
mais chacun avait ses propres chiffres à présenter
à l'audience -chaque groupe a utilisé des méthodes
différentes pour arriver à la ligne d'arrivée-
ce qui suppose que chacun, et en particulier Celera, garde des
données inédites dans sa manche. Ainsi, selon le
Dr Venter, Celera aurait séquencé le génome
en laissant des "trous" ne représentant que
2% des 3 milliards de "lettres". Selon le Dr Collins,
le consortium de centres de recherche sous sa coupe aurait séquencé
90% du génome.
Celera n'est entrée dans la course qu'en 1998, alors
que le projet Génome humain avait plus de 10 ans de travail
derrière lui, en promettant qu'il pourrait décoder
nos gènes plus vite et plus efficacement que tout le monde.
Il a presque gagné son pari, l'annonce d'aujourd'hui étant
le résultat d'une immense négociation effectuée
en coulisses au cours des derniers mois, pour évacuer
la controverse qui prenait de plus en plus d'ampleur -la crainte,
non fondée mais tout de même prise au sérieux
par l'opinion publique, qu'un individu ne dépose des "brevets"
sur l'espèce humaine.
L'essentiel de ces informations est disponible sur Internet,
ouvert à tous -du moins, à tous ceux qui savent
décoder le langage de la biologie moléculaire.
Les percées médicales auxquelles tout le monde
rêve sont bien sûr à des années encore
devant nous : trouver la signification de trois milliards de
lettres, une à la fois, ça va être long.
Mais
ce sera moins long, à présent que tout le monde,
généticiens, médecins, biologistes, aura
sous la main le même outil de travail: le "livre de
la vie".
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