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Le génome n'est pas vraiment décodé
La compagnie Celera, qui a annoncé en grandes
pompes la semaine dernière avoir complété
le décodage du génome humain, n'aurait en fait
complété que la moitié du travail. Pourquoi
alors avoir fait cette annonce?
"
Un classique de la manipulation boursière ",
résume Libération dans son édition
de samedi. De fait, alors que s'ouvre à Vancouver un congrès
mondial sur le génome humain, les mauvaises langues sont
nombreuses à dire que la compagnie Celera Genomics a fait
cette annonce pour faire monter
la valeur de ses actions en bourse -lesquelles avaient sérieusement
diminué deux semaines plus tôt, à la suite
d'une déclaration de Bill
Clinton et Tony Blair sur le brevetage des gènes.
En d'autres termes, la cote du président de Celera,
Craig Venter, qui n'était déjà pas très
élevée parmi ses collègues -et adversaires-
n'a pas, elle, remonté... "Son manque d'honnêteté
intellectuelle est irritant", déclare à Libération
Jean Weissenbach, qui dirige le Génoscope français,
laboratoire participant au projet international Génome
humain (HUGO).
Justement, le président de ce projet HUGO a lui aussi
contesté, à l'ouverture du congrès de Vancouver,
le 10 avril, l'annonce de Celera. Selon le Dr Francis Collins,
cette compagnie n'aurait
même pas complété la moitié de son
travail de décodage du bagage génétique.
Plus diplomate, il n'a pas fait allusion aux actions de la compagnie,
qui ont bondi de 25% à Wall Street après l'annonce.
Mais il a clairement dit que "vous ne devriez pas prendre
comme argent comptant toute affirmation de quelque groupe que
ce soit, pendant au moins deux ans encore, affirmant que 'nous
avons achevé le séquençage du génome
humain'. Ce ne sera tout simplement pas vrai."
Non seulement Celera Genomics a elle même admis que
tout ce qu'elle avait achevé le 6 avril, c'était
la liste des séquences de gènes: reste à
les mettre en ordre, ce qui devrait prendre encore deux mois
(cela signifie-t-il qu'une autre annonce spectaculaire est à
prévoir en juin?). Qui plus est, la compagnie a
employé une méthode qui lui permet d'achever
ce séquençage plus rapidement, mais en laissant
des trous ici et là, et en court-circuitant le processus
de révision (par exemple, elle ne prend pas le temps de
comparer les résultats obtenus avec ceux qu'elle pourrait
obtenir chez d'autres individus, dans d'autres groupes ethniques).
Il faudra encore deux ans, au moins, avant que tous les trous
ne soient comblés. C'est à ce moment, et à
ce moment seulement, qu'on pourra dire hors de tout doute que
le génome humain a été entièrement
"séquencé".
Commencera
alors la "phase deux" du travail : déterminer
le rôle de chacun de ces gènes. Cette "phase
deux" pourrait prendre des décennies.
"Chacun de nous, poursuit le Dr Francis Collins, se doit
d'être très prudent dans les mots que nous employons.
Lorsque
quelqu'un dit "terminé" ou "fini"
ou "complété", vous devez lui demander
quelle est sa définition, parce que les réponses
peuvent être très intéressantes. " S'agirait-il
d'un message aux journalistes?
Les actions de Celera Genomics ont perdu
10% dans l'après-midi du 10 avril, après cette
conférence du Dr Collins... Le porte-parole de Celera
a admis au même moment que "certaines déclarations
ont été simplistes et ont semé la confusion".
Mais a ajouté du même souffle que la déclaration
de sa compagnie, elle, avait été "très
précise".
Le projet HUGO, projet international de décodage du
génome humain, regroupe 16 centres de recherche dans six
pays. Il est en marche depuis plus de 10 ans, mais au cours des
deux dernières années, il a été surclassée
dans la " course " au décodage par des compagnies
privées, dont Celera, qui souhaitent s'approprier un maximum
de données pour en tirer un maximum de découvertes
médicales lucratives. Tout le monde s'entend pour dire
que ces compagnies, pas plus que quiconque, ne peuvent déposer
de brevets sur les gènes qu'elles ont identifiés
avant leurs "concurrents". Mais nul n'a rien dit sur
la possibilité de breveter une découverte scientifique
associée à un gène...
Les données récoltées par HUGO sont rendues
publiques au fur et à mesure, via Internet. Les données
récoltées par les compagnies privées, par
contre, ne sont rendues publiques qu'au compte-goutte, ce qui
contribue à la mauvaise cote du Dr Craig Venter chez ses
collègues. Et ce qui n'arrange rien aux yeux de ces derniers,
depuis deux ans, leurs découvertes souvent révolutionnaires
ont suscité l'indifférence dans les médias,
beaucoup plus intéressés par la controverse grandissante
sur ces questions de brevetages de gènes.
"La carte du génome n'est qu'un point de départ
qui n'aura de valeur que quand on saura l'utiliser, déclare
à Libération le président d'une petite
firme française de biotechnologie. Il faudra des années
pour l'analyser et des décennies pour comprendre la fonction
des gènes." D'ici là, Craig Venter a peut-être
le temps d'être lui-même surclassé...
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