Le Hobbit renaît. Ce « petit homme » de l’île de Flores, en Indonésie, est à nouveau l’objet, cet été, de l’attention d’un grand groupe de scientifiques, après une absence de deux ans. Parallèlement à la reprise des fouilles dans la caverne de Ling Bua, l’Indonésie a été le théâtre, fin-juillet, d’un congrès international réunissant certains des plus féroces adversaires dans cette histoire.

D’un côté, le camp de ceux pour qui cet « homme de Flores » vieux de 18 000 ans —en fait, une femme— est le représentant d’une espèce distincte d’humain. De l’autre, le camp de ceux pour qui il s’agit d’un humain victime d’une anomalie cérébrale appelée microcéphalie.

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L’organisateur du congrès, Teuku Jacob, un anthropologue célèbre en Indonésie, se range dans ce dernier camp, mais il n’est lui-même pas exempt de controverses. En 2005, il avait emprunté au découvreur du squelette, l’Australien Mike Morwood, quelques ossements. Au retour, certains étaient brisés et dans l’intervalle, les échanges entre eux deux ont été assez vifs (lire Bataille pour des os de Hobbits ). Au congrès, et lors de la visite organisée dans la célèbre caverne, tout s’est déroulé de manière fort civile, raconte le journaliste de la revue Science.

C’est que l’enjeu est de taille. S’il s’agit d’une espèce distincte d’humains, c’est une espèce dégénérée, victime de nanisme à cause de l’isolement de cette île. Ses ancêtres étaient-ils des Homo erectus arrivés du Nord il y a 100 000 ans, alors que le niveau de la mer était moins élevé? Et si tel est le cas, comment concilier la petite taille de ce cerveau —à peine 400 centimètres cube— avec les outils de pierre qu’on veut lui attribuer? En comparaison, la boîte crânienne d’Homo erectus vieux d’un million d'années est au moins le double. La nôtre, le triple.

Sujet de controverse

La controverse ne s’arrête pas à l’identité de cette femme :

- au cours du congrès, James Phillips, du Field Museum de Chicago, a encore une fois (voir ce texte) remis en doute l’association faite entre les outils de pierre trouvés sur cette île et ce Hobbit; à ses yeux, le haut degré de raffinement de ces outils ne peut s’expliquer que si des humains avec un plus gros cerveau ont habité cette île —auquel cas, le Hobbit ne serait peut-être que l’un d’eux, souffrant d’un grave handicap;

- à l’inverse, l’archéologue Mark Moore, de l’Université de New England en Australie, qui a fait son doctorat sur ces artefacts (sous la direction du découvreur du Hobbit, Mike Morwood) n’arrive même pas à la conclusion que ces outils sont « raffinés ». « Ce sont de simples artefacts de pierre », a-t-il dit;

- ceux pour qui il s’agit d’une espèce humaine distincte de la nôtre ne s’entendent même pas sur ses ancêtres; c’est l’équipe de Mike Morwood qui avait à l’origine avancé l’idée d’un lien avec l’Homo erectus, le premier hominidé à avoir quitté l’Afrique (pour autant qu’on sache), et dont des ossements ont été trouvés sur l’île (presque) voisine de Java; mais certains de ces chercheurs remontent à présent plus loin dans le temps, émettant l’hypothèse d’un « ancêtre pré-Erectus »; autrement dit, un hominidé qui aurait été déjà plus petit, au départ, comme l’Homo habilis (vieux de 2 millions d’années), voire l’australopithèque (3 millions d’années);

Une analyse d’ADN trancherait. Mais ni le squelette presque complet de cette mystérieuse femme, ni les fragments de squelettes (jambe, bras, épaule, et une mâchoire) appartenant peut-être à 12 individus, n’ont pu livrer de fragments de gènes. Les espoirs se tournent maintenant vers de futurs ossements que la campagne de cet été permettra peut-être de déterrer.

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