Vous aimeriez contribuer à l’avancement des connaissances, mais vous êtes un peu frileux à participer aux tests cliniques des grandes entreprises pharmaceutiques? Donner votre corps à la science? Vous souhaitez encore y réfléchir. Et si en attendant, vous offriez un peu de votre temps à la recherche fondamentale!

Montréal, un après-midi de printemps dans le sous-sol du Centre de recherche de l’Institut Universitaire de Gériatrie (CRIUGM). Chloé de Boysson, assistante de recherche pour une étude portant sur les processus mentaux liés à la détection des erreurs syntaxiques, accueille ses deux cobayes. C’est-à-dire nous… moi et un copain, prêts à céder nos neurones « en pleine forme » pour la cause! L’excitation est à son comble, l’expérience peut débuter!

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Recrutement des cobayes

« Si on arrive toujours à trouver notre monde, c’est parfois un peu la galère », explique la jeune doctorante. Pour l’étude qu’elle mène présentement, Chloé de Boysson avait besoin de sujets âgés de 18 à 30 ans, droitiers et résidant au Québec depuis plus d’un an. « Ils sont en pleine possession de leurs capacités cognitives. C’est important, car dans ce projet, on étudie le fonctionnement normal du cerveau ».

Pour trouver ses cobayes, la chercheuse a essentiellement sollicité ses amis, car la tranche d’âge correspondait. Mais il lui arrive aussi d’utiliser les babillards des universités ou des épiceries ou de recontacter d’anciens participants. Il n’y a pas vraiment de règles.

« Le plus compliqué, c’est de dénicher les cas spécifiques, c'est-à-dire les sujets atteints d’un trouble particulier et qui répondent à un certain nombre de critères expérimentaux ». C’est alors souvent le médecin qui va proposer au patient de participer à la recherche. Au CRIUGM, les chercheurs passent également des annonces dans les magazines pour aînés. « C’est là qu’il faut aller se renseigner. Mais les personnes désireuses de participer à un projet peuvent également appeler le secrétariat du centre de recherche ».

Les garanties

Un comité d’éthique approuve les modalités de recrutement, tout comme le déroulement des tests. La procédure est clairement expliquée dans un formulaire d’information et de consentement qu’on me donne à lire avant de débuter les expériences. « Il n’y a aucun risque associé à cette recherche si ce n’est une éventuelle petite fatigue mentale suite à un effort de concentration », précise la chercheuse.

Une petite indemnité est offerte à chaque participant : un montant symbolique de 20 $ pour environ 1 h 30 de « travail ». C’est bien moins qu’offrirait une entreprise pharmaceutique pour tester un médicament en phase clinique. Mais je suis soulagé de voir que les contraintes sont moindres : pas de prise de sang à répétition, pas de séquestration durant plusieurs heures et surtout pas de risque pour la santé!

Déroulement de l’expérience

On m’enfile sur la tête un bonnet recouvert de 64 électrodes pour enregistrer l’activité électrique de mon cerveau. Pour améliorer la conductivité, la chercheuse injecte un gel à l’aide d’une seringue dans chaque électrode. Puis, je me retrouve dans une minuscule pièce d’isolement. La lumière est tamisée. L’endroit est chaleureux et confortable. Des mots défilent un à un sur l’écran noir. J’appuie sur un bouton pour valider la grammaire, l’orthographe, le sens et la syntaxe de chacune des phrases présentée. Je serai soumis à six séries de tests entrecoupées de courtes pauses. Rien de difficile dans tout ça!

Et les données…

« Dans le papier de recherche qui sera publié, l’identité du patient est impossible à déterminer », précise l’assistante de recherche. Les résultats enregistrés seront donc traités sans que jamais on ne puisse les lier aux informations fournies dans le formulaire de consentement. Celui-ci sera conservé de manière sécurisée pour une période de cinq ans avant d’être détruit.

Je ne saurais donc pas si mes performances feront bondir la moyenne. Mais elles serviront à mieux comprendre comment le cerveau humain analyse la structure des phrases. D’autres scientifiques utiliseront peut-être ces résultats pour élaborer le traitement d’un trouble du langage.

Ce qui intéresse plus précisément les chercheurs du CRIUGM, c’est la « P600 », soit l’activité électromagnétique dans différentes aires du cerveau 600 millisecondes après la perception du stimulus (le mot lu). La nature de données traitées à ce moment précis (syntaxe, grammaire, orthographe) ne fait pas consensus entre les pairs.

Je ressors de mon caisson, fier d’avoir contribué à l’avancement des connaissances, même modestement. Chloé de Boysson m’enlève le bonnet. J’ai juste le temps de me faire un shampoing dans l’évier du laboratoire pour ôter le gel de mes cheveux avant mon rencart!

Je donne