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Il y a longtemps que l’étude des sectes fait appel à la psychologie. Mais quand on commence à invoquer le rôle du cortex frontal pour expliquer pourquoi une personne croit si fort, c’est qu’on est passé au 21e siècle.

Qu’est-ce qui explique que l’appartenance à une secte puisse être à ce point néfaste, alors qu’on sait combien l’appartenance à un groupe est primordiale pour notre santé mentale? Bien sûr, il y a ces histoires d’horreur rapportées par d’ex-convertis, mais toutes les sectes ne pratiquent pas le lavage de cerveau.

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La réponse réside dans l’autre volet de ce qui est primordial pour notre santé mentale: «une personne psychologiquement en santé est à la fois liée à d’autres humains, et différente d’eux», résumait Doni Whitsett, de l’Université de Californie du sud, lors du congrès international Manipulation et victimisation , de l’Association internationale d’étude des sectes, qui avait lieu la semaine dernière à Montréal.

Un congrès (organisé avec l’organisme québécois Info-Secte) qui contenait plus que sa part d’histoires de gens dont l’individualité a été piétinée pendant des années. Mais un congrès qui laissait aussi une large place à la recherche en sciences sociales et en médecine.

La neurobiologie des croyances

La psychologie avait développé au 20e siècle tout un vocabulaire adapté à ces circonstances et à beaucoup d’autres: problème de l’attachement, dissociation, conditionnement (« orsqu’un enfant émet une opinion et qu’il est puni pour ça, il apprend vite à se taire», rappelle Doni Whitsett).

Mais voilà que les progrès rapides des neurosciences —l’étude du cerveau— commencent à apporter des bases biologiques à ce vocabulaire.

La dissociation, par exemple. On appelle ainsi la capacité à se couper de soi-même, et les sectes poussent leurs membres à le faire dès lors qu’un doute risque de les envahir: en récitant des mantras, ou la bible, ou en chantant...

Or, la dissociation, en neurosciences, c’est «un manque d’intégration des réseaux de neurones entre eux» poursuit la clinicienne californienne. En d'autres termes, un cerveau qui fonctionne bien est un cerveau dont les différentes régions collaborent comme un orchestre: des régions les plus «anciennes» héritées de nos ancêtres reptiliens jusqu’aux plus «récentes», plus les connexions sont robustes et mieux sont intégrés nos raisonnements avec nos émotions, et vice-versa.

Qu’en est-il des enfants élevés dans une secte? Cette question intrigue particulièrement Christophe Nowakowski, psychiatre montréalais qui dit avoir beaucoup travaillé sur des gens ayant grandi dans des sectes et sur l’impact du stress post-traumatique en bas âge.

«Est-ce qu’une expérience sectaire d’une certaine intensité peut modifier la neurobiologie sous-jacente au processus de croyance?» Si oui, quelles sont les différences, au niveau du cerveau, entre les membres d’une secte qui y sont entrés à l’âge adulte et ceux qui y sont nés? On n’a pour l'instant aucune réponse à ces questions. Mais plus la technologie permet de pénétrer le fonctionnement de notre cerveau et plus on découvre combien la croyance est beaucoup plus inhérente au fonctionnement de la matière grise que nous ne voudrions le croire.

Une recherche parmi d’autres, en 2007: des chercheurs américains présentent à des cobayes 300 phrases dont ils doivent décider si elles sont vraies, fausses, ou impossibles à juger. Quand les gens décident que la phrase est vraie, il s’est écoulé en moyenne 3,26 secondes. Quand ils décident qu’elle est fausse, 3,7 secondes.

Nous sommes nés pour croire, disait le psychologue Paul Bloom en 2009. En d’autres termes, résume Nowakowski: nos cerveaux «sont davantage programmés pour la croyance que pour la non-croyance». Les gourous ont encore de beaux jours devant eux...

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