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C’est comme si Magellan, au lieu de faire le tour du monde, était parti à la rencontre de gaz et de plasma. Beaucoup, beaucoup plus loin.

Les moments où un scientifique a annoncé que la sonde Voyager 1 avait quitté le système solaire ne se comptent plus. Mais cette fois, ça semble être la bonne. A 14h jeudi après-midi, parallèlement à la publication longtemps attendue dans la revue américaine Science, la NASA tenait une conférence de presse. Voyager 1, y a-t-on annoncé, serait devenu le premier vaisseau interstellaire de l’histoire.

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La parution d’une recherche dans Science signifie que cette fois, un consensus plus large s’est dégagé. Les données que contient ce texte sont en partie celles qui avaient été annoncées il y a un an: lorsqu’on avait observé, vers la fin du mois d’août 2012, une diminution radicale du nombre de particules émises par notre Soleil qui heurtent Voyager 1. Cela, disait-on l'an dernier, pouvait être l’indice attendu: l’indice comme quoi la petite sonde avait franchi une ligne au-delà de laquelle les particules solaires sont surpassées par les particules provenant des autres étoiles —infiniment plus lointaines certes, mais infiniment plus nombreuses.

Analogie: c’est comme si, depuis son lancement en 1977, Voyager 1 avait cheminé au sein d’une longue, longue maison, la nôtre, une maison dotée d’un foyer central dont on connaissait bien les règles de distribution de la chaleur. À présent, Voyager 1 franchit le seuil d’une fenêtre et pointe le bout de son nez dehors. Là où la plus proche des autres maisons est à des kilomètres.

Un nommé Ed Stone a vécu son heure de gloire jeudi: ce physicien est le scientifique en chef des programmes Voyager 1 et 2 depuis... 1972. Les formules-chocs de la journée, c’est de lui: «un jalon»; «l’équivalent du premier pas sur la Lune».

L’analogie avec la maison et la fenêtre a ses limites: c’est depuis 2003 ou 2004 que Voyager 1 a commencé à franchir la «frontière» —obligeant année après année les astronomes à réajuster leurs modèles et à cesser de parler de frontière, mais plutôt d’une zone grise, l’héliopause. Une zone de transition, encore mal comprise, mais de toute évidence mouvante, et qui sépare le reste du cosmos de l’héliosphère, la «bulle» qui entoure notre Soleil et toutes ses planètes.

La recherche parue dans Science, sous la direction de Donald Gurnett, de l’Université de l’Iowa, s’appuie sur les mesures du plasma, ou gaz ionisé, à travers lequel avance la sonde. Les vibrations du plasma trahissent indirectement la densité des électrons qui sont dans le voisinage. Et pourquoi est-ce important? Parce que ces électrons se révèlent être à présent 40 fois plus nombreux que dans la zone d’influence de notre Soleil.

Cet ensemble de données permet même de pointer une date: Voyager 1 aurait franchi pour de bon le seuil de la fenêtre le 25 août 2012.

Cet engin —tout comme son cousin, Voyager 2, qui pourrait lui aussi franchir ce seuil dans quelques années— fonctionne avec un ordinateur qui représentait la fine pointe de l’informatique en 1977. Il devrait normalement continuer pendant une décennie encore, à analyser ces poignées d’électrons et de plasma et à envoyer vers la Terre lointaine des signaux d’une faiblesse extrême. Les astrophysiciens n’en ont pas fini, parce que si leur sonde a quitté la zone d’influence du Soleil, certains puristes diront qu’elle n’a pas formellement quitté le système solaire: à une distance indéterminée, il y a encore le nuage d’Oort, censé être le lieu d’origine des comètes. Mais ce débat sémantique trahit en même temps notre ignorance de ces territoires non cartographiés —après tout, on parle d’une machine qui se trouve à présent à 19 milliards de kilomètres.

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