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Ces dernières années, il a été rapporté que des recherches en psychologie aidaient à comprendre pourquoi des gens refusent de croire aux changements climatiques ou à la vaccination. Mais les mêmes recherches aident aussi à comprendre pourquoi la politique produit des débats à ce point polarisés.

En fait, les derniers développements de ces recherches tendent même à conclure que plus un partisan est informé, plus les désaccords sont profonds. Sous le titre provocateur «Pourquoi la politique nous rend stupides», le journaliste Ezra Klein rappelle les travaux du psychologue Dan Kahan, de l’Université Yale, le chercheur à avoir été le plus souvent cité dans les médias ces dernières années lorsqu’il est question du biais de confirmation —c’est-à-dire la tendance à n’écouter ou ne lire que ce qui confirme nos opinions.

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Les scientifiques, traditionnellement, veulent croire à la théorie du déficit de connaissances: si le citoyen rejette la science, ce serait parce qu’il est mal informé. Une vision naïve, résume Ezra Klein en manchette du nouveau média en ligne Vox:

Après tout, ils ne doutent pas des découvertes des océanographes ou de l’existence d’autres galaxies. Peut-être y a-t-il certains types de discours où les gens ne veulent pas trouver la bonne réponse autant qu’ils veulent gagner le débat. Peut-être les humains raisonnent-ils pour des raisons autres que la recherche de la vérité —comme d’augmenter leur statut dans leur communauté, ou s’assurer qu’ils ne mettent pas en colère les chefs de leur tribu.

Or, on pourrait croire que la politique souffre du même travers: les électeurs seraient d’accord avec moi s’ils connaissaient mieux les faits. Sauf que les travaux de Kahan et d’autres psychologues de la cognition vont dans l’autre direction. C’est ainsi qu’on a appris ces dernières années qu’aux États-Unis, chez les partisans du parti républicain, la probabilité d’être climatosceptique est singulièrement plus élevée. Plus étonnant encore, le fait d’être républicain ET d’avoir une formation universitaire, renforce le doute à l’égard des changements climatiques!

Il y a même un volet mathématique à cette «découverte»: on teste deux groupes de gens, l’un qui croit au port d’armes en toutes circonstances, l’autre, opposé. On leur montre un tableau statistique simple sur l’impact de la réduction du port d’armes, qui nécessite un calcul simple pour en comprendre la conclusion... et les gens calculent le résultat différemment, suivant leur idéologie!

D’où le titre choisi par Ezra Klein pour son essai: la politique nous rend stupides. «Les gens ne raisonnaient pas pour avoir la bonne réponse, ils raisonnaient pour avoir la réponse qu’ils voulaient être vraie».

Les recherches de Kahan et d’autres confirment en fait ce que les psychologues avaient constaté par d’autres voies depuis longtemps: changer d’idéologie est difficile parce que, derrière toute idéologie, il y a des groupes d’amis, de connaissances, ainsi que des vedettes et des auteurs, auxquels nous nous identifions. Changer de croyance —ou de parti politique— implique de bouleverser tout cet équilibre mental: un choix douloureux.

Comment sortir de ce cercle de renforcement positif? Comment savoir si nos choix que nous croyons rationnels ne sont pas avant tout des biais de confirmation? Kahan conseille de se concentrer sur ce qui provoque le consensus, plutôt que ce qui provoque la polarisation. En science, ce pourrait être, par exemple, ce qui a mal fonctionné pour que le vaccin contre le virus du papillome humain provoque des débats aussi intenses, au contraire du vaccin contre l’hépatite B —pourtant aussi transmissible sexuellement.

Mais en politique, ça peut être plus difficile, nuance Kahan. «Essayez de trouver des désaccords qui ne sont menaçants ni pour vous ni pour votre groupe», et construisez la discussion à partir de là. Un conseil qui nécessite une grosse dose d’humilité: admettre d’abord que les choses auxquelles nous croyons ne sont pas des absolues.

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