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À travers le monde, Dolly-la-brebis-clonée a connu cette semaine une nouvelle heure de gloire, alors qu’on passait le cap du vingtième anniversaire de sa naissance. Mais une tache demeure : après 20 ans, aucune des leçons que les experts pensaient tirer de ce clonage ne s’est réalisée.

Née le 5 juillet 1996 dans un laboratoire de l’Institut Roslin, en Écosse, Dolly a surgi dans l’espace public en février 1997, lorsque l’article rédigé par « ses » chercheurs est paru dans la revue Nature (photo). C’était le premier mammifère cloné de l’histoire — et la planète entière s’est tout de suite mise à spéculer sur le temps qu’il faudrait avant que ce ne soit le tour d'un humain.

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Or, non seulement il n’y a pas eu de clonage humain et rien ne laisse croire qu’il y en aura avant longtemps, mais même le clonage de mammifères s’est avéré beaucoup plus rare que prévu. Dolly a plutôt ouvert la porte à des percées du côté de l’usage médical des cellules souches — et encore, pas beaucoup. On commence tout juste, depuis 2014, à faire les premiers tests cliniques.

« Quand je regarde ce que notre grande équipe a réussi, je pense que nous ne comprenons toujours pas la biologie qui est derrière », résumait en avril, dans le New Scientist, le biologiste Ian Wilmut, l’un des « pères » de Dolly.

Contrairement à l’impression que donnaient les réactions enthousiastes ou inquiètes de février 1997, il n’y a pas eu, d’un point de vue scientifique, un « avant » et un « après » Dolly, mais plutôt de lentes avancées, la plupart venues de là où l’équipe elle-même ne les attendait pas.

C’est que, jusqu’en 1995, les biologistes moléculaires qui ciblaient le clonage ne travaillaient qu’avec des cellules souches d’embryons — prendre à l’intérieur de l’une d’elles le matériel génétique de l’animal qu’on souhaite cloner et le transférer dans un ovule vidé de son propre matériel. C’est un concours de circonstances qui a ensuite conduit l’Institut Roslin à expérimenter avec des cellules souches adultes : la compagnie PPL Therapeutics avait soudain un surplus de ces cellules de brebis. Et encore a-t-il fallu 277 ovules, desquels seulement 29 embryons ont pu être implantés, dont une poignée se sont développés chez des mères porteuses, ne donnant en bout de ligne qu’une seule naissance réussie, Dolly.

Qui sait ce qui se serait passé si Dolly n’était pas née, reprend l’éditorialiste du New Scientist .

Peut-être que les efforts pour cloner un animal à partir de cellules adultes auraient été abandonnés, ou complétés plus tard par quelqu’un d’autre. Nous pourrions être en train de célébrer les 10 ans de Betsy la vache plutôt que les 20 ans de Dolly.

Mais le résultat indirect de cette percée, c’est que les cellules souches adultes ont soudain acquis une grande importance pour la recherche. En 2006, le biologiste Shinya Yamanaka réussissait à reprogrammer des cellules souches adultes pour les ramener au stade de cellules souches embryonnaires : en jargon de biologiste, des cellules souches pluripotentes induites. Cela lui a valu le Nobel de médecine en 2012, et c’est ce type de cellules qui a finalement atteint, en 2014-2015, le stade des tout premiers essais cliniques.

Quant au clonage reproductif proprement dit, il s’en fait malgré tout, 20 ans plus tard. Et il est en croissance, en Chine et aux États-Unis. Là où on le pratique, c’est parce que l'on y a trouvé (ou que l’on croit y trouver) un intérêt commercial : les autorités américaines de la santé ont estimé en 2008 qu’il n’y avait pas de différence entre des vaches clonées et non clonées — ainsi que des brebis et des porcs. En Chine, la compagnie Boyalife Group assure pouvoir produire un cheptel de 100 000 bœufs clonés. Au moins une compagnie américaine (ViaGen) et une sud-coréenne croient pouvoir développer un marché avec le clonage d’animaux de compagnie, à 100 000 $ l’unité. Mais même dans ces cas-là, le clonage de certaines espèces s’est avéré beaucoup plus difficile que d’autres — les chiens sont plus difficiles à cloner que les chats, les rats plus que les souris — sans que les chercheurs n’aient nécessairement compris pourquoi.

En-dehors du commerce, on entend aussi parler de la possibilité de « ressusciter » une espèce disparue, par exemple le mammouth, grâce au clonage.

Dolly est morte à l’âge de six ans, le 14 février 2003. Elle est aujourd’hui exposée au Musée d’Écosse, à Edimbourg. Elle est morte des suites d’une infection pulmonaire que l’on dit courante chez les animaux qui restent trop souvent à l’intérieur. N’empêche que ses gènes montraient un vieillissement prématuré et qu’elle souffrait d’arthrite — deux des facteurs qui expliquent que personne ne soit intéressé à investiguer le clonage humain.

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