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À en croire les généticiens, CRISPR serait la plus grande percée dans leur domaine depuis des décennies. Mais en attendant, la foire d’empoigne autour d’un éventuel brevet révèle une facette pas très reluisante de la science lorsqu’elle s’accompagne d’un potentiel très commercial.

 

 

  • D’un côté, l’université de Berkeley, en Californie, a été la première à déposer une demande de brevet.
  • De l’autre, l’institut Broad, au Massachusetts, a demandé au Bureau américain des brevets un processus expéditif et a du coup obtenu un brevet avant Berkeley.
  • D’un côté, Broad allègue que la demande initiale de Berkeley ne couvre que la manipulation génétique des bactéries, pas celle des animaux.
  • De l’autre, Berkeley réplique qu’il allait de soi que la technique pourrait être utilisée au-delà des bactéries et que des « personnes d’habiletés ordinaires » seraient en mesure d’utiliser la technique sur des souris ou des humains, comme en témoignent les équipes de Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier (université de Berkeley), George Church et Feng Zhang (institut Broad), ou Jin-Soo Kim (Corée du Sud).
  • Ce à quoi Broad réplique que de tels chercheurs hautement spécialisés ne correspondent pas à la définition juridique d’une « personne d’habiletés ordinaires ».

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Pour compliquer les choses, CRISPR-Cas9 — « scalpel biologique » qui peut servir à manipuler les gènes avec une grande précision — existe déjà dans la nature ; ce que les chercheurs ont mis au point en 2012, c’est une façon de l’utiliser comme bon leur semble. Ce qui n’est pas peu dire : depuis 2012, des laboratoires des quatre coins du monde se sont mis à l'expérimenter sur toutes sortes de génomes et, selon la revue Nature, il y aurait actuellement 860 demandes de brevets déposées pour autant d’applications liées à CRISPR.

La dispute devant les juges du Bureau américain des brevets (USPTO) dure depuis janvier et une autre demande a été déposée devant le bureau européen des brevets.

Ça joue dur et certains des arguments entraînent les juges très loin de la science. Berkeley a par exemple soumis aux juges un courriel d’un nommé Shailiang Lin, qui était étudiant à l’institut Broad en 2011 et 2012. Il y alléguait que l’équipe de Feng Zhang se serait inspirée d’un article publié par Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, plutôt que de développer indépendamment sa propre technique. L’institut Broad réplique que l’étudiant était alors en recherche d’emploi auprès de Jennifer Doudna, donc en conflit d'intérêt. Berkeley a voulu faire témoigner l’ex-étudiant, les juges s’y sont opposés le 14 septembre, les arguments des deux parties devraient être déposés à la fin du mois.

Une telle rancœur est inhabituelle entre deux institutions universitaires, commente dans Nature Mark Summerfield, un avocat australien en droit des brevets. Mais il ajoute d’emblée que derrière ces deux universités, il y a une liste de compagnies qui paient les frais de justice. « Ce qui est vraiment derrière, ce sont les intérêts commerciaux... Ils ne vont pas arriver à s'entendre, ils vont se battre jusqu’à la fin. »

 

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