Activité d'épouillage, chimpanzés - Parc national de Gombe

Une distinction importante entre les grands singes —dont les humains— et les autres primates est que les premiers n’ont pas de queue. Qu’est-ce qui, au plan génétique, explique cette particularité? Des généticiens ont choisi de poser la question à l’envers: qu’est-ce qui, au plan génétique, explique la perte de la queue?

Ce n’est pas juste une particularité par rapport aux primates. Tous les mammifères ont une queue à un moment de leur développement embryonnaire. Chez les humains, cet organe disparaît vers la 8e semaine —considérée comme la fin de la phase dite embryonnaire. Or, dans une recherche publiée le 28 février dans la revue Nature, une équipe de chercheurs en biologie, génétique, biochimie, physiologie et génie biomédical, pointe comme « coupable » l’insertion d’une courte séquence d’ADN dans un gène lié au développement de la queue. 

En théorie, la chose a dû se produire il y a moins de 25 millions d’années, moment où les ancêtres des grands singes ont divergé de la lignée des primates. La séquence d’ADN en question s’appelle une séquence Alu, qui fait partie de la famille des transposons ou « gènes sauteurs » —ainsi nommés parce qu’il s’agit de fragments d’ADN capables de se déplacer ou de se copier d’un endroit à l’autre du génome.  

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L’hypothèse logique de départ est qu’il fallait chercher cette séquence parmi les gènes qui encodent des protéines —et que son absence expliquerait donc à elle seule la disparition de la queue. Les chercheurs ont plutôt trouvé cette séquence manquante dans une région « non codante », mais à proximité d’une région qui encode des protéines: en gros, la structure du gène fait en sorte que, chez les grands singes, cette séquence manquante fait produire au gène une protéine d’une forme différente de celle qu’il produit chez les autres primates. 

Les chercheurs ont testé leur hypothèse sur des cellules souches embryonnaires d’humains et de souris —un travail supplémentaire qui a retardé la publication de leur article de deux ans. Les souris nées sans queue étaient celles qui étaient porteuses de cette modification génétique.

Il se peut que ce qui se soit produit il y a 25 millions d’années soit plus complexe et que cette séquence ne soit qu’une partie de l’énigme, nuancent les chercheurs. En fait, leur découverte vient avec la possibilité que la perte de la queue chez nos ancêtres ait été accompagnée d’un risque accru d’un défaut de fermeture de la colonne vertébrale appelé spina bifida. Mais le fait que cette « perte » d’une séquence d’ADN se soit maintenue dans l’ensemble de la lignée des grands singes suggère qu’elle a présenté un avantage évolutif : est-ce que la perte de la queue pourrait être, comme d’autres biologistes l’avaient suggéré dans le passé, un préalable nécessaire à la marche sur deux pattes? 

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