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S’il devait y avoir une retombée positive de l’accident du véhicule qui était censé conduire cinq touristes jusqu’à l’épave du Titanic, ce pourrait être un élargissement aux sous-marins des règles qui, aujourd’hui, encadrent la construction des navires.

Le parallèle n’a pas échappé aux experts du droit de la mer: c’est la tragédie du Titanic, en 1912, qui a conduit aux premières ententes internationales pour renforcer la sécurité des voyageurs. Dès 1914, une première conférence réunissant 13 pays recommandait des mesures comme des cloisons à la fois étanches et résistantes au feu, des équipements de sauvetage en nombre suffisant, et la présence d’équipements de « radiotélégraphie » pour envoyer des messages de détresse. La Première Guerre mondiale (1914-1918) a mis un frein à ces efforts mais, au cours des décennies suivantes, ils ont conduit à la mise en place de normes qui ont peu à peu suivi l’évolution technologique, et qui font aujourd’hui consensus. Ces normes sont encadrées par l’Organisation maritime internationale, un organisme des Nations unies né en 1948.

Ces normes internationales ne s’appliquent toutefois pas aux sous-marins opérant en-dehors des eaux territoriales —dans les eaux territoriales, ce sont les lois nationales qui s’appliquent. Et c’est une lacune qui aurait dû être comblée depuis longtemps, note l’historien de la marine Salvatore Mercogliano dans un texte publié le 27 juin. Si de telles règles avaient été en place, la tragédie du Titan, ce petit sous-marin de la compagnie OceanGate Expeditions, n’aurait peut-être pas eu lieu.

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« La première possibilité est que l’Organisation maritime internationale établisse des normes de sécurité pour les sous-marins et oblige ceux-ci à s’enregistrer auprès d’un pays, tout comme les navires transocéaniques. Cela obligerait le pays à s’assurer que le sous-marin respecte ces normes. » En l’occurrence, le Titan, bien que construit aux États-Unis, a été lancé depuis le Polar Prince, un navire enregistré sous pavillon canadien, et qui est, de plus, parti d’un port canadien.

Une telle règlementation serait même inspirée de l’exploration spatiale: en effet, bien que l’espace « extra-atmosphérique » soit en-dehors de la juridiction des pays, un engin spatial demeure sous la responsabilité du pays qui l’a lancé, en vertu du Traité de l’espace de 1967.

Ceci dit, la résistance à un tel changement vient en partie des entrepreneurs eux-mêmes. Stockton Rush, le directeur d’OceanGate —qui était aussi aux commandes du funeste voyage— avait justifié en 2019 sa décision de ne pas soumettre son engin à un processus de certification: à ses yeux, des règlementations nuiraient à la croissance et à l’innovation. Dans des courriels obtenus ce mois-ci par la BBC, Stockton Rush, qui est aussi ingénieur, déclarait que les normes de sécurité étaient des excuses utilisées « par des acteurs de l’industrie pour bloquer l’innovation ».

Un argument qui n’étonne pas l’historienne des sciences Naomi Oreskes : « M Rush perpétuait un mythe, qui est particulièrement populaire parmi les compagnies émergentes de la Silicon Valley, selon lequel les gouvernements sont juste un obstacle et que l’innovation vient d’intrépides pionniers qui bougent vite et brisent des choses ».

Mais c’est un argument qui est faux: aux États-Unis rappelle l’historienne, les deux premiers sous-marins en eau profonde ont été construits par le gouvernement fédéral et l’Institut d’océanographie Woods Hole, au Massachusetts. Ils ont fait partie d’un vaste programme d’écoute des fonds marins, réalisé grâce à des fonds publics. « La réglementation peut ralentir les choses, mais elle sauve aussi des vies », conclut-elle.

 

Image: Modélisation informatique du Titan en début de plongée / Wiki Commons / CC 4.0

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