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Depuis une dizaine d’années, la quantité et la diversité de nos données personnelles qui circulent ont considérablement augmenté. En plus des réseaux sociaux qui en savent beaucoup sur nous, les objets connectés permettent de récolter des informations très précises sur les utilisateurs, comme leur pouls ou le contenu de leur frigo. De plus, le réseau électrique est capable de distinguer l’utilisation des objets du quotidien, comme la machine à café ou la laveuse.

Si ces données peuvent paraître anodines, le danger augmente lorsqu’elles sont croisées, a expliqué le professeur au département d’informatique de l’UQAM, Sébastien Gambs, lors d’une conférence intitulée Tous traqués, qui avait lieu au Cœur des sciences de l’UQAM, le 28 mars. Combiner les données obtenues de multiples manières peut en effet permettre de retracer jusqu’aux activités quotidiennes d’un individu.

Chaque jour, nous pouvons donc en révéler beaucoup sur nos comportements ou notre état de santé, en utilisant notre montre, en réglant le thermostat ou en lavant notre linge. Ces données s’ajoutent à celles que nous fournissons avec chaque inscription à un service en ligne ou chaque commande d’un produit.

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Cette accumulation de données peut certes se révéler bénéfique: la recherche médicale, par exemple, pourrait en profiter. Mais la création de profils à partir de nos données personnelles soulève de nombreux enjeux éthiques, poursuit Sébastien Gambs, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analyse respectueuse de la vie privée et éthique des données massives.

Il donne en exemple les assureurs, qui pourraient augmenter les primes de leurs clients dont les comportements seraient jugés les plus à risque —sans même que ces clients ne sachent pourquoi. La loi ne le permet pas au Canada, mais le fait que toutes ces données existent pose la question de savoir qui, un jour, aura le droit d'y avoir accès. 

Certaines de ces informations peuvent même être utilisées dans un contexte politique. Par exemple, en combinant les informations d’une application de suivi du cycle menstruel avec celles d’un outil de géolocalisation, il serait possible de déduire qu’une femme est allée subir un avortement. 

Ce scénario a été évoqué ces deux dernières années aux États-Unis: dans la foulée du jugement de la Cour suprême de 2022, certains États ont considérablement réduit l’accès à l’avortement, obligeant des femmes à faire des centaines de kilomètres pour trouver une clinique dans un autre État. En théorie donc, un État qui a choisi de criminaliser l’avortement pourrait cibler des femmes grâce à ces données censées relever de leur vie privée. En 2022, plusieurs groupes avaient carrément conseillé aux femmes faisant face à cette situation d’effacer leur application de suivi de leur téléphone

 

- Alexia Boyer

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