L'Islande énergétique
(ASP) - On accuse souvent les gouvernements
de se traîner les pieds en matière dénergies
alternatives. Mais en Islande, on nattend plus:
en 2002, les habitants de ce pays feront
le premier pas vers une société où
tout roulera non plus au pétrole, mais à
lhydrogène.
Le virage pourrait être complété
en une génération, soit moins de 30 ans,
évaluent les chefs de file de ce projet unique
en son genre.
Ce nest pas que lhydrogène
ne soit pas considéré dans d'autres pays
comme une énergie davenir: au contraire,
même Jules Verne, dès 1874, avait imaginé
une société où leau remplacerait
le charbon comme carburant. Or, lhydrogène,
cest ça : on extrait de leau
les deux atomes dhydrogène qui sy
trouvent (deux atomes dhydrogène accompagnés
dun atome doxygène, soit H20, pour
ceux qui auraient oublié leurs cours de chimie).
Cette "séparation", par le biais de
ce quon appelle lélectrolyse, produit,
justement, de lélectricité.
Déjà, lIslande sest
largement débarrassée de ses carburants
fossiles, lessentiel de son électricité
provenant de centrales hydro-électriques et des
réserves géothermales emprisonnées
sous les roches volcaniques de cette île du Nord.
Mais pour ses automobiles, autobus et bâteaux
de pêches (les chalutiers), elle ne peut faire
autrement que dutiliser du pétrole et
comme il ny a pas de pétrole dans les environs,
tout doit être importé. On mesure mieux
limportance du problème quand on apprend
quen Islande, 70% des revenus proviennent justement
de la pêche.
Mais ce problème est en même
temps un incitatif. Tous les discours visant à
convaincre les 270 000 habitants de ce vaste projet
de conversion à lhydrogène contiennent
toujours une phrase ressemblant à: cela permettra
à lIslande dêtre davantage
indépendante. Un argument qui, politiquement,
marche à tous les coups.
La clef de cette mutation est la technologie
connue sous le nom de piles à combustibles: une
sorte de génératrice à lintérieur
de laquelle lélectricité est produite
par lhydrogène et loxygène,
avec pour résultat que la machine ou lautomobile-
émet non pas du monoxyde de carbone... mais de
la vapeur deau.
Présenté comme cela, tout
a lair très simple, mais en réalité,
lidée des piles à combustibles est
sur la table depuis des décennies. Aux quatre
coins du monde, des laboratoires et des entreprises
privées travaillent sur des automobiles et des
génératrices privées fonctionnant
à lhydrogène. On approche dannée
en année du moment où cette technologie
sera assez fiable et assez peu coûteuse pour être
commercialisée (lire
cet article), mais pour linstant, il y a un
autre obstacle sur lequel les ingénieurs continuent
de trébucher : si les émissions de
gaz ne sont pas du tout polluantes, par contre, la production
des piles elle-même, l'est, parce qu'il faut construire
des usines de production d'hydrogène là
où on n'avait que des centrales au charbon, par
exemple. Et cest là quintervient
lIslande: selon le "professeur hydrogène"
islandais, Bragi Arnason, de lUniversité
de Reykjavik, promoteur dune économie islandaise
basée sur lhydrogène depuis les
années 70, le fait que lIslande soit une
île dune part, mais quelle ait aussi,
déjà en place, une immense industrie électrique
basée sur leau (centrales hydro-électriques
et géothermales) lui permet de bâtir une
"industrie hydrogène" pour beaucoup
moins cher.
Après trois décennies, ses
arguments ont porté fruit aux plus hauts niveaux :
la création dune "économie
hydrogène" est maintenant inscrite dans
les politiques gouvernementales, et la première
étape concrète, en 2002, sera larrivée
des premiers autobus fonctionnant avec piles à
combustibles, dans les rues de Reykjavik, la capitale.
Dici quelques années, on espère
remplacer les 80 autobus composant la flotte locale,
laquelle sera alimentée en hydrogène par
une nouvelle usine où sera également
produit lhydrogène nécessaire- construite
en banlieue par nul autre que le géant du pétrole
Shell, une des trois compagnies qui met de largent
dans le projet. Létape suivante, si tout
va bien : les automobiles personnelles, puis les
chalutiers.
Mais il faudra être patient: "mes
petits-enfants vivront dans cette nouvelle économie,
soutient Bragi Arnason, où tout proviendra dénergies
propres et renouvelables".
Le XXIe siècle sera-t-il le siècle
des Islandais ?