A ceci près que cette
Atlantide-là a fondu. Et que si la
fonte se poursuit au rythme actuel, jusqu'à
20% de la calotte glaciaire de l'Arctique
-celle qui enserre le Pôle Nord- pourrait
avoir disparu d'ici 50 ans.
Cette calotte glaciaire couvre
normalement, au cours de l'été,
six millions et demi de kilomètres
carrés. Cet
été, elle n'en couvrait plus
que cinq millions et demi, estiment
Mark Serreze et ses collègues du
Centre national de données sur la
neige et la glace à Boulder, Colorado.
Leurs calculs s'appuient sur des analyses
à micro-ondes menées par satellites.
Parallèlement, une autre équipe
s'intéressant, elle, aux glaces du
Groenland, a estimé que celles-ci
avaient davantage fondu cet été
que durant tout autre été
depuis 1979, première année
pour laquelle on dispose de données
satellites.
Ces constats peu encourageants
ont été au coeur du dernier
congrès de l'Union géophysique
américaine, qui avait lieu la semaine
dernière dans la chaleur californienne
de San Francisco.
On notera qu'on parle ici
de données estivales. On pourrait
être tenté de rétorquer
qu'il est normal que la glace, même
au Pôle Nord, fonde pendant l'été.
Mais c'est justement là la raison
pour laquelle ces scientifiques se servent
de cette période de l'année
comme d'un indicateur: si, d'été
en été, elle fond de plus
en plus, cela finit par démontrer
qu'à long terme, quelque chose d'anormal
est en train de se passer.
Entre 1979 et aujourd'hui,
la fonte des glaces groenlandaises s'est
accentuée de 16%, avancent Konrad
Steffen et ses collègues de l'Université
du Colorado à Boulder.
"Lorsqu'on regarde des données
individuellement, il est difficile de dire
ce qui se passe, a commenté l'hydrologiste
Larry Hinzman, de l'Université de
l'Alaska, lors du congrès. Mais lorsqu'on
les prend ensemble, il y a une démonstration
très claire d'un changement rapide
en Arctique."
Les climatologues invoquent
ce qu'ils appellent l'Oscillation arctique,
un cycle régulier de circulation
d'air au-dessus du Pôle Nord. Lequel
cycle, depuis les années 80, n'est
plus cyclique du tout: il est "bloqué"
d'un seul côté, entraînant
des basses pressions chroniques au-dessus
de l'Arctique. Est-ce cela qui explique
la fonte accrue des glaces? Mais si tel
est le cas, qui a causé ce blocage
du cycle?
Et ce n'est pas tout. Plus
la glace fond, plus il fait chaud. La glace
reflète en effet 80% de la lumière
du soleil, et renvoie donc cette chaleur
dans l'espace. L'eau, en revanche, absorbe
80% de cette énergie solaire. Résultat:
l'océan arctique devient plus chaud.
Et ainsi, davantage de glace va fondre,
qui réchauffera encore plus l'océan,
qui fera fondre encore plus de glace...
Le Groenland, nous apprend
la revue Nature, était déjà
passé par une phase similaire de
réchauffement dans les années
1930. L'humain en était-il responsable?
Ce n'est pas sûr. En revanche, plusieurs
modèles suggèrent que les
perturbations de l'Oscillation arctique
pourraient avoir pour origine le rétrécissement
de la couche d'ozone -lequel est indubitablement
causé par l'activité humaine.
De quoi convaincre les chefs
d'Etat de signer Kyoto? Le problème,
c'est que les ours polaires sont peu nombreux
à voter...