Car science et politique font rarement
bon ménage: la première est complexe alors
que la deuxieme aime les solutions simples. La science
attire peu de sympathie du public alors que la politique
rêve d'élections. Or, voilà que
le président des États-Unis se fait accuser
par ses adversaires politiques, pas dénués
d'intérêts eux non plus d'avoir "manipulé
le processus scientifique et déformé ou
dissimulé des découvertes scientifiques".
Le rapport de 40 pages, publié
le 7 août, a été préparé
par le comité de la Chambre sur la réforme
du gouvernement, dirigé par le représentant
démocrate de Californie Henry A. Waxman. Waxman:
un nom qui, depuis le 7 août, est devenu très
connu sur les fils de discussions Internet des scientifiques...
Parmi les 21 sujets mentionnés
dans ce rapport: le réchauffement global, l'éducation
sexuelle, le bouclier anti-missiles, le sida, la pollution
agricole et le Refuge naturel de l'Arctique: à
propos de ce dernier, la secrétaire de l'Intérieur
Gale A. Norton aurait délibérément
détourné les conclusions de ses propres
scientifiques sur les dangers qu'un forage pétrolier
ferait courir à la faune locale.
Les agences fédérales (Agence
de protection de l'environnement (APE), National Institutes
of Health, Food and Drug Administration, etc.) auraient
bloqué ou retardé la publication de certains
données (par exemple, en introduisant sur un
comité des représentants de l'industrie
aux positions bien arrêtées), dans des
circonstances où ces données auraient
pu nuire aux politiques de l'administration Bush ou
à ses alliés industriels.
Des accusations graves, qui ont de quoi
miner
la crédibilité d'agences qui ont des
tâches aussi fondamentales que de vérifier
la qualité des médicaments, des aliments,
de la santé publique ou de l'environnement...
Les médias avaient déjà
rapporté, en juillet, une décision de
l'an dernier de l'APE qui avait consisté à
effacer une section sur le réchauffement global
de son rapport sur l'état de l'environnement.
Ils ont à présent autre chose de plus
croustillant à se mettre sous la dent: par exemple,
l'abolition par l'administration Bush d'un projet du
Centre de contrôle des maladies visant à
informer sur les pratiques sexuellement sécuritaires,
incluant le condom; l'administration a préféré
aller de l'avant avec son programme d'abstinence sexuelle,
s'appuyant soi-disant sur d'autres données scientifiques.
On cite aussi la nomination par le Président
Bush, sur le comité aviseur présidentiel
sur le sida, de Jerry Thacker, celui-là même
qui, dans le passé, avait décrit l'homosexualité
comme une habitude morbide et le sida comme "l'épidémie
des gays". Le nom de Jerry Thacker avait été
retiré de la liste devant le tollé.
Dans le cas du cancer du sein, l'Administration
Bush aurait insisté auprès de l'Institut
national du cancer pour qu'il ajoute sur son site web
une note faisant état de la possibilité
que l'avortement cause le cancer.
La Maison-Blanche a répliqué
en déclarant le rapport injuste. Et en pointant
les propres biais du démocrate Waxman... ce qui
n'a pas empêché celui-ci de mettre son
rapport
en ligne et d'appeler le public à y réagir.
Sur un autre fil Internet, celui de l'association
américaine des rédacteurs scientifiques
(NASW), d'autres ont déjà commencé
à souligner que l'administration Clinton avait,
elle aussi, détourné à son avantage
des données scientifiques (les programmes d'échanges
de seringues ne fonctionnent pas, avait-on dit à
l'époque, ce qui se serait révélé
faux). Mais à en juger par les premiers commentaires
publiés dans la dernière édition
des revues britannique Nature et américaine
Science, l'administration Bush semble avoir atteint
de nouveaux sommets.