Au cours des derniers mois, nous vous avons signalé
dans ces pages des études soulignant avec inquiétude
que la calotte glaciaire du Groenland fond plus vite que
prévu (voir
ce texte). Ainsi que celle de l'Antarctique (voir
ce texte). Mais il y manquait chaque fois un détail:
quand tout cela aura fondu, l'eau aura monté de combien?
Voilà que le calcul vient d'être fait avec
davantage de précision, et on se croirait dans un
film de science-fiction. Les quartiers financiers de Londres,
Hong Kong et New York inondés; la Nouvelle-Orléans
aussi, cela va sans dire; mais en plus, tout le Sud de la
Floride, le Bangladesh et les Pays-Bas! Et aussi tôt
qu'en l'an 2100.
Les estimations étaient
jusqu'ici
approximatives. Deux études, parues la semaine dernière
dans la revue Science, donnent un cadre fixe à
ces estimations: si la fonte des glaces se poursuit au rythme
accru qui est aujourd'hui le sien, en l'an 2100, le niveau
des eaux aura grimpé de six mètres. Déjà,
l'eau a gagné un pouce par décennie depuis
30 ans, écrivent dans ces deux études Jonathan
Overpeck, de l'Université de l'Arizona et Bette Otto-Bliesner,
du Centre national de recherche atmosphérique à
Boulder (Colorado).
Et, ajoutent-ils, la dernière fois qu'on a vu ça,
l'être humain ne maîtrisait pas encore le feu:
si le calcul de ces chercheurs est juste, les calottes glaciaires
auront, en l'an 2100, reculé davantage
qu'elles ne l'ont fait depuis 130 000 ans.
Tout ceci n'est bien sûr qu'une prévision
bâtie sur une série de complexes modèles
informatiques. La prévision pourrait ne plus tenir
si quelque chose était fait pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre. Mais si
rien n'est fait en ce sens, cette
hausse du niveau des eaux deviendra "irréversible",
écrivent les chercheurs.
Il y a 130 000 ans, c'était la période appelée
Dernière interglaciation. À cette époque,
c'étaient des variations dans l'orbite de la Terrre
autour du Soleil qui avaient entraîné un réchauffement
de l'Arctique de trois à cinq degrés Celsius
et conséquemment, une hausse du niveau des mers de
5 mètres (un réchauffement qui dura 12 000
ans). Cette fois, c'est la main de l'Homme qui a provoqué
tout cela, et qui plus est, sur les deux hémisphères,
ce qui rend cette étude si alarmante, à
en juger par les commentaires émis depuis la semaine
dernière.
Un retour sur cette Dernière interglaciation
fournit d'ailleurs un
aperçu d'un futur peut-être pas si lointain:
la forêt boréale canadienne qui avance considérablement
vers le Nord, la disparition de la glace de la plupart des
îles du Grand Nord, le Groenland qui (re) devient
un pays vert dans sa partie Sud, etc.
Plus rapide que prévu
En 2001, la dernière édition de la méga-étude
du Groupe des Nations sur les changements climatiques (Intergovernmental
Panel on Climate Change ou IPCC) prédisait une
hausse du niveau des mers de "seulement" 88 centimètres
d'ici 2100 et ajoutait qu'un réchauffement plus élevé
que prévu pourrait effectivement amener une hausse
de 5 mètres... mais d'ici l'an 3000.
Or, si déjà, en si peu de temps, un tel réchauffement
se produit, si déjà, en si peu de temps, une
telle transformation à la surface des eaux semble
vouée à se produire d'ici l'an 2100
et non d'ici l'an 3000 bien d'autres changements se
seront sans doute produits là où on ne peut
pas les voir: à ce sujet, ue autre étude parue
dans Science rapporte une hausse sensible, depuis
2002, des séismes glaciaires (voir
ce texte), c'est-à-dire des "tremblements" causés
par le déplacement d'immenses masses de glace sur
le roc. Rien qu'en 2005, les sismographes en ont détecté
deux fois plus qu'au cours des années précédentes.
Et ils sont évidemment plus fréquents en été.
Bien sûr, préviennent le blogueur de Real
Climate, toute prévision comporte sa part d'incertitudes.
Certaines des données sur lesquelles s'appuient ces
études par exemple, les données satellites
n'ont que quelques années de recul. Mais aucune des
nouvelles données ne pointe dans la direction des
prévisions les plus prudentes déjà
avancées par l'IPCC en 2001; elles pointent au contraire
vers les prévisions les plus pessimistes quant à
la hausse du niveau des eaux. "Ceux qui ont choisi d'ignorer
ou de rejeter ces prévisions ont à présent
encore moins de raisons de le faire."