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L’activité physique s’ajoute maintenant aux options de traitement en santé mentale, au moment où les demandes d’aide des personnes aux prises avec des enjeux psychologiques augmentent sans cesse au Québec. Ces nouvelles recommandations s’appuient sur des études colligées par une équipe de recherche française, dont les données sont disponibles depuis peu.

Actuellement, plus de 20 000 personnes se trouvent sur des listes d’attente pour obtenir des services en santé mentale au Québec [1]. Or, l’activité physique permet d’améliorer et de traiter plusieurs troubles de santé mentale et d’en soulager les symptômes qui poussent des personnes à consulter [2]. Bien qu’elle puisse sembler moderne, l’idée de recourir à l’activité physique comme traitement en santé mentale remonte en fait à l’Antiquité. Cependant, c’est au courant des deux dernières décennies que les recherches sur ce sujet se sont multipliées dans plusieurs pays, notamment au Canada, en France, au Royaume-Uni et en Australie [3]. D’ailleurs, des recommandations en activité physique bénéfique pour la santé mentale sont disponibles depuis 2023. Elles proviennent d’un premier article français de Fabien D. Legrand et de ses collègues, nommé L’exercice physique pour la santé mentale : mécanismes, recommandations, recherches futures, qui met en commun une multitude d’études concernant divers troubles de santé mentale.
 

Les bienfaits 

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L’efficacité de l’activité physique à titre d’intervention dans le traitement des troubles mentaux courants, tels que la dépression et les troubles anxieux, est démontrée par plusieurs études, en plus d’être associée à une foule d’effets bénéfiques sur la santé physique et mentale de personnes atteintes d’autres troubles mentaux comme la schizophrénie *, la bipolarité * et les troubles de l’usage de substances [4]. De plus, toute personne n’ayant pas de contre-indication médicale, par exemple une condition cardiaque incontrôlée, peut se voir prescrire de l’activité physique et la pratiquer [5].

Plus concrètement, l’activité physique est maintenant recommandée par des spécialistes en psychiatrie, en psychologie et en sciences de l’activité physique comme traitement à part entière pour les symptômes dépressifs et les dépressions légères à modérées. Elle est aussi recommandée en complémentarité des traitements médicamenteux et thérapeutiques classiques dans les cas de dépressions majeures [6].

Une équipe de recherche collaborative du Canada, de l’Australie et du Royaume-Uni s’est penchée sur l’effet antidépresseur * de l’activité physique [7]. Elle a conclu que celle-ci déclencherait des mécanismes similaires aux médicaments antidépresseurs et aux traitements standards, même si la compréhension de ces mécanismes demeure incomplète. En d’autres termes, l’activité physique entraînerait, chez certaines personnes qui l’utilisent comme traitement, un effet d’engrenage amenant des changements positifs, et ce, autant sur le plan biologique * que sur le plan psychosocial *. Une augmentation de l’estime de soi et une diminution de l’inflammation (réaction permettant au corps de revenir à un état stable) figurent parmi les changements positifs observés par l’équipe de recherche [8].

Dans un article publié en 2022 dans Trends in Psychiatry and Psychotherapy, Felipe Barreto Schuch et Davy Vancampfort, spécialistes en activité physique et psychiatrie de l’Université catholique de Louvain et de l’Université fédérale de Santa Maria, ont conclu que la pratique d’activité physique était associée à des bénéfices en contexte de dépression, et ce, même en dessous des recommandations générales [9]. Ces recommandations consistent en 150 minutes d’activité physique légère à modérée par semaine, y compris toute activité qui peut se faire en conservant la capacité à discuter ou à échanger quelques mots sans perdre le souffle. Pour ceux et celles qui préfèrent pratiquer une activité physique intense pour laquelle le souffle manquerait et les empêcherait de parler facilement, les recommandations sont de 75 minutes par semaine [10]. Cependant, malgré les plus grands bénéfices à atteindre les recommandations en ce qui concerne l’activité physique selon ces auteurs, d’autres études précisent qu’elle est bénéfique pour la santé mentale, peu importe le type, l’intensité et la durée, et ce, dès 5 minutes de pratique [11]. L’expression « une marche de santé » prend alors tout son sens.
 

Un outil de plus 

L’activité physique se définit comme le fait d’effectuer n’importe quel mouvement, pourvu que le corps bouge et dépense de l’énergie [12] : laver la vaisselle, faire une promenade, s’entraîner dans un centre sportif, jouer au volleyball dans un parc sur l’heure du midi, faire de la luge en hiver, etc.L’activité physique peut donc être réalisée sans raison particulière, mais elle peut aussi être utilisée à des fins d’intervention visant spécifiquement l’amélioration de la santé physique ou mentale [13]. La population québécoise a donc à portée de main un outil de plus dans son sac pour intervenir sur sa santé mentale.

Pour les soutenir, les Québécoises et les Québécois peuvent compter sur des spécialistes de la santé spécifiquement formés en activité physique : les kinésiologues *. Ces experts et expertes ont comme rôle, entre autres, de fournir un encadrement en activité physique adapté aux objectifs et aux besoins des individus qui les consultent. Déjà, certains départements de psychologie et de psychiatrie d’hôpitaux québécois intègrent des kinésiologues dans le but de répondre aux besoins des personnes qui font appel à ces services.

Selon une équipe de recherche montréalaise ayant sondé 114 personnes présentant des troubles de santé mentale sévères tels que la schizophrénie, bien que 37 % des répondants et répondantes favorisent les séances d’activité physique encadrées par des kinésiologues, plus de la moitié (63 %) préfère pratiquer une activité physique sans supervision directe [14]. Malgré tout, Mehala Subramaniapillai et ses collègues, spécialistes en activité physique et santé mentale de l’Université de Toronto et de l’Université de la Colombie-Britanique, ont observé que chez les personnes souffrant de troubles de santé mentale sévères, jusqu’à 66 % privilégient tout de même un certain niveau de contact régulier avec des spécialistes de l’activité physique [15].
 

Surmonter les barrières

La pratique d’une activité physique, bien que pertinente, peut être freinée par des barrières telles que le manque de motivation, la fatigue, le manque de soutien social et la météo. Ces barrières à l’activité physique figurent d’ailleurs parmi les plus répandues chez les personnes qui présentent des troubles de santé mentale sévères, selon une étude menée par des équipes de recherche montréalaises [16].

Néanmoins, le fait d’adapter l’activité physique aux préférences et à la réalité des individus augmente son adoption [17]. Des chercheuses et des chercheurs visent donc à ce que l’intégration de l’activité physique dans le quotidien des personnes ayant des troubles de santé mentale soit personnalisée à leurs barrières individuelles [18]. Un exemple d’intervention proposée est de faire une balance décisionnelle. D’un côté de la balance, la personne note les avantages et les désavantages perçus de commencer à faire de l’activité physique. De l’autre côté, elle note les avantages et les désavantages de ne pas en faire. La balance consiste alors à comparer les pour et les contre de bouger davantage.

Le professeur et kinésiologue Ahmed Jérôme Romain et la psychiatre Dre Amal Abdel-Baki, de l’Université de Montréal, rapportent que la balance décisionnelle s’avère une stratégie efficace en contexte de santé mentale. En effet, les avantages perçus de commencer à faire de l’activité physique seront souvent plus importants et pèseront plus lourd dans la balance, ce qui contribuera à augmenter la motivation de la personne à bouger [19].

Malgré tout, pour que l’activité physique soit pertinente comme intervention de soins en santé mentale, elle doit être pratiquée, même à petites doses [20]. En l’absence complète de sa pratique, les autres types d’interventions classiques, par exemple des séances de psychothérapie ou la prise d’une médication prescrite, seront à prioriser ou à utiliser de façon concomitante afin d’améliorer les symptômes et le bien-être des personnes ayant des troubles de santé mentale.

Pour être bénéfique pour la santé mentale, l’activité physique ne doit pas obligatoirement être pratiquée selon une durée ou une intensité spécifique, mais bien en augmentant son niveau au sens large. Cependant, le manque de motivation à faire de l’activité physique reste un frein important à son utilisation en tant que soin de santé. Dans le futur, de nouvelles études permettront de mieux comprendre les mécanismes motivationnels pouvant faciliter l’initiation à l’activité physique en contexte de santé mentale et, ainsi, de mieux intervenir.
 

— Un article de Valérie Chauvin, étudiante au programme de maîtrise en sciences de l'activité physique à l'Université de Montréal

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