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À l’heure actuelle, aucun remède ne peut guérir la maladie de Parkinson, les médicaments existants étant prescrits uniquement pour en soulager les symptômes. Cependant, le laboratoire du professeur Louis-Éric Trudeau de l’Université de Montréal se penche depuis déjà plusieurs années sur une nouvelle piste de traitement qui vise à améliorer le fonctionnement de la mitochondrie. L’objectif : prévenir l’apparition de la maladie.

Plus de 100 000 Canadiennes et Canadiens souffrent de la maladie de Parkinson et près de 12 500 reçoivent un diagnostic chaque année au pays [1]. Bien que les hommes soient 1,5 fois plus susceptibles que les femmes de développer la maladie [2], l’âge constitue le principal facteur de risque [3]. Ainsi, avec les années, le cerveau subit des dommages qui compromettent son fonctionnement, ce qui peut mener à l’apparition de la maladie de Parkinson.
 

D’une grande complexité, le cerveau abrite plusieurs catégories de neurones, dont les neurones à dopamine. Leur rôle consiste à produire de la dopamine, un neurotransmetteur aussi appelé « molécule du bonheur » qui, une fois libéré, procure une sensation de plaisir lorsqu’une récompense est obtenue [4]. La dopamine est par exemple relâchée quand une personne savoure une délicieuse barre de chocolat après une longue journée de travail. Le neurotransmetteur assure également l’envoi de signaux électriques servant aux mouvements du corps [5]. La maladie de Parkinson touche les neurones à dopamine, particulièrement ceux qui se trouvent dans la substance noire compacte *. Chez les patientes et les patients, ces neurones meurent, privant ainsi l’organisme de ce signal important pour la locomotion [6].
 

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Grands, mais vulnérables

Une hypothèse suppose que la vulnérabilité des neurones à dopamine serait liée à l’axone, la branche qui transmet des signaux électriques d’un point A à un point B. Dans les neurones à dopamine, l’axone est bien plus long que dans plusieurs autres types de neurones plus résistants à la mort dans le contexte de la maladie de Parkinson. Il possède aussi une multitude de terminaisons * servant à communiquer avec les cellules avoisinantes. Le nombre de terminaisons peut d’ailleurs être assez élevé, frôlant parfois les 2,4 millions pour un seul neurone à dopamine [7].
 

Les mitochondries * de ces cellules doivent produire beaucoup d’énergie pour alimenter ce circuit complexe. Le processus rejette également de grandes quantités de déchets qui, un peu comme l’électricité statique dans un circuit électrique, viennent court-circuiter les composantes cérébrales, compromettant par le fait même leur bon fonctionnement [8]. Parmi ces déchets, des réactifs dérivés de l’oxygène tels que le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et les superoxydes (O2) font des ravages. En raison de leurs besoins élevés en énergie, les neurones à dopamine sont sans cesse exposés aux déchets cellulaires, ce qui les conduit inévitablement à leur propre destruction.
 

Malgré les avancées dans la recherche sur la maladie de Parkinson, aucun médicament ne permet actuellement de guérir les patientes et les patients. Les traitements existants, qui incluent la lévodopa *, les thérapies physiques et la stimulation cérébrale profonde * [9], visent principalement à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes en atténuant les symptômes de la maladie. Ces stratégies ne sont cependant pas sans effets indésirables. La prise de lévodopa, par exemple, diminue les tremblements, mais provoque parfois l’apparition de dyskinésies. Ces mouvements involontaires, désordonnés, mais non douloureux, sont causés par un excès de lévodopa dans le cerveau et se manifestent souvent plusieurs années après le début du traitement.
 

Pistes de solution

Pour prévenir la maladie de Parkinson, certaines équipes de recherche se sont penchées sur la piste de l’alpha-synucléine * [10], une protéine * présente naturellement dans le cerveau. Dans le neurone à dopamine, l’axone permet le transport de nutriments, de dopamine et de nombreuses protéines. Or, chez les personnes souffrant de la maladie de Parkinson, l’alpha-synucléine s’accumule de manière anormale dans l’axone, créant un bouchon qui empêche les molécules de se déplacer et mettant en péril la survie des neurones. Éviter la formation de ce bouchon en ciblant l’alpha-synucléine pourrait donc prévenir le développement de la maladie.
 

D’autres équipes de recherche, comme celle du professeur Louis-Éric Trudeau, s’intéressent à une deuxième hypothèse selon laquelle l’amélioration de l’efficacité de la mitochondrie protégerait les neurones à dopamine de la mort. Ainsi, en libérant moins de réactifs dérivés de l’oxygène pour une quantité d’énergie équivalente, ces neurones seraient moins exposés aux déchets, ce qui les protégerait à long terme, tout en évitant les effets indésirables des traitements antiparkinsoniens.
 

Renforcer la mitochondrie

L’équipe du professeur Louis-Éric Trudeau propose trois approches pour protéger les neurones à dopamine. La première consiste à recourir à des médicaments ciblant spécifiquement la mitochondrie. Ces médicaments pourraient par exemple améliorer l’efficacité de protéines agissant sur la chaîne de transport de cette usine à énergie. Un peu comme un barrage électrique qui accumule de l’eau, cette chaîne emmagasine des protons * dans un réservoir. Les protons sont ensuite relâchés dans un module semblable à une turbine, ce qui génère de l’énergie utilisable par le neurone. L’optimisation de cette chaîne de transport augmenterait l’efficacité de la production énergétique.
 

La deuxième approche repose sur la biologie moléculaire. Elle consiste à introduire des gènes *dans les neurones à dopamine afin de leur permettre de fabriquer des protéines spécifiques dans leurs mitochondries. Ces protéines, impliquées par exemple dans la chaîne de transport, favoriseraient la production d’énergie par les neurones, ce qui les aiderait à mieux subvenir à leurs besoins tout en générant moins de déchets.
 

Enfin, la troisième approche concerne le système de défense naturel des neurones à dopamine : les antioxydants. Ces gardiens de sécurité ont pour fonction de neutraliser les déchets produits par la mitochondrie. Puisque les neurones à dopamine ont un axone très long, les antioxydants présents pourraient ne pas suffire à la tâche. Ainsi, une avenue intéressante serait d’utiliser l’approche moléculaire afin de produire plus de protéines antioxydantes.
 

Contrairement à une machine, qui peut être réparée si elle se brise, une composante du cerveau qui cesse de fonctionner ne peut pas être remplacée. Ce faisant, la maladie de Parkinson continue à évoluer au fur et à mesure que les neurones à dopamine meurent, d’où l’importance de mieux comprendre la cause de leur vulnérabilité et de découvrir des approches à privilégier afin de les protéger. Les travaux en cours permettront d’identifier de nouvelles stratégies pour agir avant même que les symptômes n’apparaissent. Bien que leur efficacité doive aussi être validée chez l’humain, ces pistes de solutions offrent une lueur d’espoir dans le traitement de la maladie de Parkinson.
 

 

— Un article de Alex Tchung, étudiant au programme de doctorat en pharmacologie à l'Université de Montréal

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