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La décarbonation est un objectif crucial de la lutte contre le changement climatique. Pour y parvenir, des trajectoires net-zéro [1] sont élaborées à l'échelle régionale, nationale et mondiale. Au Canada, le groupe consultatif pour la carboneutralité (mandaté par Environnement et Changement Climatiques Canada ECCC) a notamment été créé en 2021 et recense les rapports explorant les trajectoires net-zéro à l’échelle nationale.

Au Québec, le gouvernement s'engage dans une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) afin d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050, en veillant à ce que les solutions proposées soient économiquement viables et technologiquement réalisables, tout en minimisant les impacts négatifs sur les différents acteurs impliqués.

Pour construire des solutions durables, les études se basent souvent sur des modèles d'optimisation. Les modèles d'optimisation sont des outils puissants qui permettent de résoudre des situations énergétiques ou économiques données, en minimisant les coûts. Parmi eux, on trouve les modèles d'équilibre partiel ascendants et les modèles d'équilibre général descendants, qui jouent un rôle crucial dans la compréhension des interactions entre l'économie, les émissions de GES et le secteur de l'énergie.

Les modèles d'équilibre général (descendants) offrent une vision globale de l'économie en prenant en compte les comportements des différents agents économiques, tels que les gouvernements, les consommateurs et les industries. Ils permettent d'analyser comment des changements, tels que l'adoption de taxes sur le carbone, peuvent influencer l'ensemble du système économique. Ils sont notamment utilisés pour modéliser des politiques spécifiques implantées par les gouvernements, comme les taxes sur les carburants, les subventions pour les énergies renouvelables, ou les incitations à l'efficacité énergétique.

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Les modèles d'équilibre partiel (ascendants) se concentrent sur des secteurs spécifiques, comme le secteur de l'énergie dans le cas des trajectoires net-zéro. Ils sont utilisés pour représenter des mesures technologiques, comme l'implantation de biocarburants dans les transports, le développement de l'énergie solaire, ou la réduction des émissions de procédés dans l'industrie. Ces modèles prennent en compte les coûts, les émissions et les caractéristiques techniques des technologies pour identifier les meilleures solutions afin de réduire les émissions de GES dans chaque secteur [2].

Cependant, il est important de reconnaître que ces modèles ont leurs limites. Ils reposent sur des hypothèses simplifiées et des données limitées, ne représentant pas la réalité de manière exhaustive. Les modèles d'équilibre partiel manquent souvent de flexibilité pour représenter les changements comportementaux et les interactions intersectorielles, tandis que les modèles descendants peinent à avoir un niveau de détail technologique réaliste. De plus, les incertitudes entourant les comportements futurs des agents économiques et les avancées technologiques peuvent affecter la fiabilité des projections à long terme. Enfin, tous ces modèles ne considèrent généralement que les émissions de GES comme impacts sur l'environnement, alors que d'autres dimensions environnementales considérées en analyse de cycle de vie (ACV), telles que les impacts sur la qualité des écosystèmes, la santé humaine et l'utilisation des ressources doivent également être prises en compte.

Pour une transition réussie et réaliste vers la neutralité carbone, il est essentiel de combiner les forces des différents modèles. L'intégration des modèles d'équilibre partiel, des modèles d'équilibre général, et de l'analyse du cycle de vie devient pertinente. Au Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Ingénierie Durable et en Écoconception (LIRIDE), les approches intégrées sont privilégiées (voir la figure).

Illustration de la trajectoire de décarbonation

Plusieurs projets visent à relier les modèles pour mieux comprendre les enjeux climatiques et les implications de nos choix (économiques, technologiques, sociaux et environnementaux). Par exemple, dans son projet de doctorat, Marianne Pedinotti-Castelle a fait une liaison entre un modèle d'équilibre partiel et un modèle d'équilibre général afin d'étudier des trajectoires de décarbonation du Québec sous les angles énergétiques et économiques. En intégrant différents modèles, la robustesse des évaluations est renforcée, et permet de proposer des trajectoires de décarbonation plus complètes et mieux adaptées à la réalité du Québec, tout en tenant compte des enjeux économiques et sociaux. Cela contribue à soutenir des décisions éclairées pour une transition réussie vers une économie bas-carbone. Cette approche intégrée fournit une meilleure compréhension des enjeux climatiques et permet d'élaborer des politiques climatiques plus efficaces et équitables pour atteindre les objectifs de carboneutralité.

Marianne Pedinotti-Castelle, étudiante au doctorat au LIRIDE, Université de Sherbrooke.

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[1] Trajectoires visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à un niveau aussi proche que possible de zéro (Nations Unies, 2023).

[2] Au Québec, divers modèles d'optimisation sont utilisés pour élaborer des trajectoires de décarbonation, tels que les modèles d’équilibre général EC-PRO au gouvernement fédéral, le modèle MEGFQ au gouvernement provincial, ou le modèle d’équilibre partiel NATEM, de la firme ESMIA.

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