Afrique-Terre.jpg

Dans la majeure partie du continent africain, on semble pour l’instant avoir évité le scénario catastrophe que les experts craignaient le printemps dernier. Le Détecteur de rumeurs s’est demandé si la COVID-19 avait bel et bien fait moins de ravages, ou si l’épidémie passait plutôt sous le radar.


Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurscliquez ici pour les autres textes.


 

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

À la fin mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait que l’Afrique était la région la moins affectée mondialement, avec 1,5 % des cas rapportés et 0,1 % des décès. À la fin-juin, on évoquait une accélération des cas, mais le continent défiait encore les prédictions et les modélisations. Et à la mi-septembre, rapporte le New Scientist dans un bilan des huit premiers mois de la pandémie, cette région du monde continuait d’enregistrer moins de cas et de morts que ce qui avait été prévu.

Des facteurs protecteurs?

Tout en reconnaissant que le continent est immense et diversifié, les observateurs soulignent que certains facteurs démographiques peuvent faire partie de l’explication. La jeunesse de la population (âge médian de 18,9 ans) tout d’abord, pourrait laisser présager que la sévérité des cas sera moindre. La faible prépondérance de l’obésité et du diabète, qui augmentent le risque de complications, est également une cause possible. Une autre hypothèse serait que certaines populations d’Afrique subsaharienne aient été davantage exposées à d’autres coronavirus, ce qui leur offrirait une meilleure protection immunitaire.

On ignore toutefois l’interaction que peut avoir le virus avec d’autres facteurs de risques comme la malnutrition, ou d’autres maladies infectieuses, comme la malaria.

Une meilleure préparation a pu aussi aider: les États africains, échaudés par Ebola, étaient davantage prêts à se mettre sur un pied de guerre, en dépit de ressources sanitaires moindres. De la surveillance aux aéroports a été implantée dès janvier en Côte d’Ivoire et ailleurs. Le Rwanda et le Maroc ont rapidement fermé leurs frontières alors qu’ils n’avaient qu’une poignée de cas, et plusieurs États ont imposé le confinement. La circulation entre les villes est moins grande qu’ailleurs dans le monde, ralentissant la transmission communautaire. Enfin, le virus est arrivé un peu plus tardivement qu’en Europe, entre autres parce que le volume de voyageurs internationaux est plus faible.

Ou un feu qui couve?

Mais si, sous le calme apparent, se dessinait une crise silencieuse ? Avant même la pandémie, seulement huit États africains comptabilisaient de façon efficace leurs décès, selon une enquête de l’agence de presse Reuters  — c’est-à-dire qu’ils en rapportaient au moins trois cas sur quatre.

Des tests d’anticorps ont révélé au milieu de l’été que, dans au moins deux pays, et dans les métropoles d’un troisième, il y aurait eu beaucoup plus de cas qu’on ne l’avait annoncé. Par ailleurs, il y a l’Afrique du Sud: alors qu’on y rapportait officiellement plus de 7000 morts du coronavirus au début d’août, les statistiques montrent quelque 28 000 morts excédentaires en trois mois — c’est-à-dire le nombre de morts qui, toutes causes confondues, dépasse la moyenne des mêmes trimestres des années précédentes.

Certes, les capacités de testage de plusieurs pays africains restent faibles, et certains gouvernements rendent difficile l’accès à leurs statistiques. L’Afrique du Sud, où l’on a effectué le plus grand nombre de tests par habitant, se fait par ailleurs reprocher ses délais dans la diffusion des résultats. En Tanzanie, le gouvernement a cessé de publier les chiffres à la fin avril, affirmant que le coronavirus avait été éradiqué « par la grâce de Dieu ». Et enfin, dans certains pays, la peur des hôpitaux, ou simplement la difficulté à y avoir accès, impose une limite aux statistiques.

Reste que ces cas de coronavirus dont des tests d’anticorps ont révélé qu’ils étaient passés sous le radar, au Kenya, au Malawi et au Mozambique, ne semblent pas s’être traduits par des niveaux d’hospitalisation plus élevés, ni par une croissance du nombre de décès. Là aussi, le premier facteur évoqué est l’âge moyen de la population, qui la rendrait moins vulnérable: 20 ans au Kenya, 18 ans au Malawi.

À la mi-septembre, le site Worldometers recensait près de 1,4 million de cas et plus de 33 000 décès en Afrique, dont la moitié dans la seule Afrique du Sud. En comparaison, l’Amérique du Sud comptait 7,4 millions de cas et 230 000 décès (dont plus de la moitié au Brésil) pour une population trois fois inférieure.

 

 

Photo: Johannes Gerhardus Swanepoel / Dreamstime

Je donne