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Qui a peur de l'uranium?
Depuis la semaine dernière, les fils de presse
internationaux bourdonnent d'une nouvelle expression : uranium
appauvri. Mais qu'est-ce que c'est que ce truc et en quoi pourrait-il
affecter la santé?
Que pensez-vous des dernières nouvelles
sur l'uranium appauvri?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito
A la deuxième question, personne n'a de réponse
claire. Une revue des (très) nombreux articles publiés
depuis la semaine dernière révèle en effet
quelque chose de consternant: on peut tout savoir sur les réactions
outrées des premiers ministres et ministres de la Défense
français,
belge, britannique, espagnol, italien,
allemand, portugais, bosniaque, serbe, suédois, et même
polonais -ils avaient eux aussi des troupes en Bosnie- mais rien,
ou presque, sur ce qu'on sait des impacts sur la santé
de cette substance.
Sauf quelques spéculations. En Italie, six décès
(peut-être huit) des suites de leucémie chez les
soldats qui ont servi dans les Balkans, dans le cadre des opérations
de l'OTAN menées là-bas entre 1994 et 1999. En
Belgique, neuf cas et cinq décès. En France, quatre
soldats actuellement soignés; mais dans ce cas-ci, tous
les quatre sont en état de rémission.
Etrangement, dans l'ex-Yougoslavie, où ont été
déversées ces fameuses armes à uranium appauvri,
rien à signaler, ni chez les centaines de milliers de
civils ayant vécu dans les zones bombardées, ni
chez les militaires. Et le Comité international de la
Croix-Rouge a indiqué, vendredi le 5 janvier, que les
tests effectués sur la trentaine de ses membres ayant
travaillé au Kosovo n'ont rien révélé.
Seule information qui pourrait avoir son importance, mais
qui n'a pas encore été creusée: les données
yougoslaves, tout comme celles de la Croix-Rouge, portent sur
les bombardements de 1999. Alors
que les soldats décédés en Italie, eux,
ont servi pendant les premiers bombardements, soit en 1994-95.
Serait-il possible qu'il y ait une période de quelques
années avant que le mal ne fasse sentir ses effets?
Quels effets ?
Mais de quels effets parle-t-on exactement ? Il faut d'abord
rappeler quelque chose, au risque que cela paraisse évidente
à certains lecteurs: contrairement à ce qu'on a
pu lire dans des listes de discussion sur Internet et entendre
sur les lignes ouvertes de la radio américaine, l'uranium
appauvri et l'uranium tout court (l'uranium naturel, celui qu'on
trouve, eh bien oui, dans la nature), ce n'est pas du tout la
même chose. Personne n'a bombardé la Serbie à
la bombe atomique. Ce qui a été déversé,
ce sont des obus tout ce qu'il y a d'ordinaire, à ceci
près qu'ils étaient renforcés par une couche
d'uranium appauvri. Cette substance, très peu radioactive
(deux fois moins que l'uranium naturel), est utilisée
en raison de sa masse (plus d'une fois et demi celle du plomb),
qui augmente la résistance des obus: ceux-ci peuvent donc
mieux percer le blindage (par exemple, celui d'un char d'assaut)
que les obus classiques.
S'ils sont si peu radioactifs, pourquoi s'en faire ? Entre
autres, parce que l'uranium
appauvri est ce qu'on appelle un métal lourd, comme le
plomb. Et on sait déjà que le plomb peut avoir
des effets néfastes sur la santé: il se fixe littéralement
dans l'organisme et peu, à fortes doses, endommager les
reins ou le foie.
Quel rapport avec la leucémie, appelée aussi
cancer du sang? Aucun, à première vue. Les cas
de leucémie peuvent-ils être statistiquement reliés
à l'usage de cet uranium appauvri? Pas évident.
Il n'est pas impossible, pour prendre le scénario optimiste,
que l'on assiste depuis la semaine dernière à un
syndrome du malade imaginaire où tous les maux attrapés
par les soldats sont en voie d'être attribués à
un seul coupable.
Certains experts prétendent que l'impact produit une
grande quantité de poussière d'uranium et que c'est
celle-ci qui, portée par les vents, est dangereuse. Une
équipe des Nations Unies, dont l'étude doit être
publié en mars, a mesuré cet automne la présence
de radioactivité sur huit des 11 sites du Kosovo où
des obus à uranium appauvri avaient été
tirés. D'autres, comme un comité du gouvernement
français publié en juin 1999, affirment que "pour
qu'un volume suffisant de poussière (d'uranium appauvri)
puisse être respiré, il faudrait être présent
à côté du char lorsqu'il est détruit".
Difficile d'être très près d'un char qui
explose... et d'y survivre.
Environ 500 personnes ayant séjourné sur un
site bombardé à l'uranium appauvri, dans le sud
de la Serbie, ont été soumises à un examen
médical qui n'a révélé aucune anomalie
chez elles, a rapporté le 8 janvier l'agence locale Tanjug.
Le site n'a pourtant jamais été décontaminé.
Des médecins allemands doivent se rendre bientôt
sur ce site pour prélever des échantillons chez
quelques centaines de personnes et les analyser en laboratoire
en Allemagne et au Canada, rapporte l'Agence France-Presse.
Dans un avis publié le 8 janvier, l'Organisation mondiale
de la santé (OMS) affirme ne pouvoir faire pour l'instant
de recommandations sur l'uranium appauvri. "Tout ce que
nous pouvons faire est d'identifier le problème. Il appartient
ensuite aux autorités nationales de prendre les mesures
qui leur semblent appropriées." En d'autres termes,
pour l'OMS, il est trop tôt pour dire si l'usage de ces
armes représente ou non un danger pour la santé.
Les nouvelles qui vont sortir dans les médias cette
semaine risquent donc d'être davantage politiques que scientifiques:
les Américains
se verront reprocher par les Européens d'avoir utilisé
cette arme, aussi bien en Irak en 1991 qu'en ex-Yougoslavie
(10 000 munitions de ce type en 1994-95, et 31 000 obus en 1999)
sans avoir prévenu leurs alliés des risques. Les
armées française et britannique possèdent
elles aussi ce type d'arme, mais toutes deux affirment ne jamais
les avoir utilisées. L'Union
européenne tente d'enlever à l'OTAN la direction
de ce dossier. Mais en dépit d'une rencontre très
médiatisée, le 9 janvier, du Comité politique
et de sécurité, nouvelle institution commune de
défense européenne, l'OTAN -ou plus exactement,
en l'occurence, les Etats-Unis- ne semble pas prêt à
infléchir sa position. Le Pentagone a d'ores et déjà
rejeté l'idée de l'Italie d'imposer un moratoire
sur ces munitions renforcées à l'uranium appauvri.
Mais les Américains seront sous pression pour libérer
un maximum d'informations: cartes des sites bombardés,
études médicales de l'armée, etc. C'est
déjà ça de gagné.
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