
semaine du 12 mars 2001


Le ver de longue vie
A travers le monde, des dizaines de laboratoires
poursuivent leur quête de la fontaine de Jouvence.
L'une des pistes suivies, depuis une demi-décennie,
tourne autour d'un ver. Un ver dont on a, cette fois, prolongé
la vie de 50%.
Croyez-vous à la Fontaine de Jouvence?
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Science-Presse/Médito
Au début, certains étaient sceptiques. Les
gènes "anti-vieillissement", comme on les
appelaient, étaient essentiellement connus chez une
bactérie, celle de la levure de bière. Et
de fait, des mutations chez ces gènes peuvent augmenter
considérablement l'espérance de vie de ces
bactéries. Mais comme l'ont fait remarquer les sceptiques,
qu'est-ce que ça veut dire, augmenter l'espérance
de vie d'une bactérie? Une bactérie ne développe
ni cheveux gris ni rides, elle ne risque pas d'attaques
cardiaques... Les plus pessimistes doutent même qu'on
puisse dire qu'une bactérie "vieillit":
tout au plus, elle se divise elle-même un certain
nombre de fois.
Bref, on a des raisons très légitimes
de douter que la compréhension de ce gène
puisse nous être d'une quelconque utilité.
Sauf que plus tôt ce mois-ci, des chercheurs ont découvert
que ce même
groupe de gènes semble aussi contrôler l'espérance
de vie chez le ver -et mine de rien, avec le ver, organisme
composé de plusieurs cellules, d'organes internes,
qui vit et qui meurt, on est soudain beaucoup, beaucoup
plus proche de nous.
Selon ce qu'écrivent Heidi A. Tissenbaum
et Leonard Guarente, du Massachusetts Institute of Technology,
dans la dernière
édition de la revue Nature, des doses accrues
d'un gène appelé sir-2 peuvent faire vivre
un ver jusqu'à 50% plus longtemps. En d'autres termes,
ce minuscule animal, le C. elegans, vit 50% plus longtemps
lorsqu'on lui ajoute un gène "anti-vieillissement"
emprunté à la bactérie de la levure
de bière.
Ce n'est pas la première découverte
relative aux gènes du vieillissement à se
faire sur les vers. Le C. elegans, qui est l'un des animaux
de laboratoire préférés des scientifiques,
a déjà vu certains de ses congénères
vivre trois fois, quatre fois, voire sept fois plus longtemps,
dans un laboratoire de l'Université McGill, à
Montréal. Mais bien qu'on étudie là
aussi, depuis des années, ce que les généticiens
appellent les "gènes-horloges", c'est par
une autre stratégie qu'on est arrivé à
cet exploit: en réduisant le rythme métabolique
des vers, en les nourrissant moins, en faisant en sorte
que tout, chez eux, se déroule plus lentement. Bref,
ils vivent plus lentement... et plus longtemps.
Or, la recherche dont il est question cette
semaine franchit peut-être un pas beaucoup plus important.
Après plus d'une décennie passée à
se demander si l'étude de la bactérie de la
levure de bière pouvait nous apprendre quelque chose
sur notre propre vieillissement, la réponse s'avère
être Oui. Les mêmes gènes, les mêmes
mécanismes. "Ce qui est vrai chez la levure
et le ver est probablement vrai chez tous les organismes,
parce que ces deux-là sont tellement différents",
résume le Dr Guarante.
Comme le résume le Dr David Gems, du
Collège universitaire de Londres, dans une analyse
complémentaire que publie Nature, le fait que
la plupart des êtres vivants naissent, grandissent
et meurent comme nous, ne signifie pas nécessairement
que les mécanismes à l'oeuvre soient les mêmes
partout. Or, avec cette étude sur le ver, on commence
à se rendre compte qu'il semble justement que ce
soit le cas. Déjà, la même équipe
est en train de se pencher sur la souris.
Est-ce à dire qu'il suffirait de s'injecter
des doses supplémentaires de gènes sir-2 pour
vivre plus longtemps ? Quand même pas. Tout d'abord,
encore faut-il le trouver, ce gène ou ce groupe de
gènes : les humains, comme les souris et toutes les
autres créatures "avancées", ont
souvent plusieurs équivalents d'un même gène,
de sorte que trouver la bonne combinaison peut prendre du
temps. "Mais au minimum, il semble que certains déterminants
de la longévité et du vieillissement soient
conservés à travers les groupes animaux -un
fait qui encouragera ceux qui étudient le vieillissement",
résume encore David Gems.

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