Notre galaxie, en dépit de
sa centaine de milliards d'étoiles, dont
notre Soleil, n'est en rien exceptionnelle. Les
astronomes disent depuis longtemps qu'elle est similaire
à bien d'autres galaxies, y compris sur un
point étrange: elle abriterait en son centre
un trou noir, un de ces corps célestes si
massifs que rien ne peut échapper à
sa gravité titanesque -même pas la
lumière.
Sauf qu'observer un trou noir, c'est
tout sauf évident. On tentait d'y arriver
depuis une vingtaine d'années par des observations
indirectes -un rayon de lumière qui aurait
été dévié en passant
à proximité de ce soi-disant corps
céleste, ou un fin rayonnement tout autour
de sa zone-limite... En vain. Un équipe internationale
de 23 astronomes et astrophysiciens affirme dans
la revue Nature
y être finalement parvenu: une étoile
dont on s'aperçoit maintenant, après
des années d'observation, qu'elle
accomplit, en 14 ans, une orbite autour d'un corps
céleste massif, invisible à nos
yeux, sauf par les ondes radio qui en émanent.
S'ils ont raison, ce sera non seulement
la première observation indirecte de ce trou
noir, mais encore, la
première confirmation de l'existence de n'importe
quel trou noir: en effet, on en parle, on en
parle, mais on n'a encore jamais mis le doigt sur
un seul d'entre eux.
Il
a fallu 10 ans de traque à l'équipe
dirigée par Rainer Schödel, de l'Institut
Max-Planck de physique extraterrestre à Garching,
Allemagne. Dix ans pour être capable de dresser
petit à petit la trajectoire de cette étoile
autour d'un objet que l'on croit être deux
millions et demi de fois plus massif que notre Soleil.
Voilà pour l'exploit astronomique.
Ceci dit, compte tenu du fait que ce trou noir est
situé à 26 000 années-lumière
de nous -soit à peu près la distance
entre nous et le centre de notre galaxie- et que
ce n'est donc pas demain la veille qu'il risque
de nous avaler, qu'y a-t-il à tirer de cette
information?
Une seule chose, au bénéfice
des astronomes: c'est la première fois qu'on
arrive à suivre l'orbite d'un corps céleste
situé aussi loin de nous. Certes, de peine
et de misère, depuis sept ans, des astronomes
ont détecté la présence de
planètes tournant autour d'autres étoiles,
mais les distances se mesuraient chaque fois en
dizaines d'années-lumière. Ici, on
parle de quelque chose qui est 2000 fois plus loin:
réussir à voir bouger cette étoile
aurait paru impensable il y a quelques années
seulement.
S'ils y sont arrivés, c'est
grâce à de nouveaux outils, regroupés
sous le terme d'imagerie adaptative optique. Grosso
modo, ces outils atténuent les distorsions
que subit un rayon de lumière lorsqu'il traverse
notre atmosphère -et permettent ainsi aux
astronomes d'obtenir des images 20 fois plus précises
d'objets très lointains, plus précises
même, dans certains cas, que les images du
télescope spatial Hubble.
La consécration que vivent
grâce à ce trou noir ces nouveaux outils
les amènera à servir encore plus:
pour identifier des corps célestes lointains...
et pour découvrir d'autres étoiles
en orbite autour de qui-sait-quoi au centre de notre
galaxie... La traque se poursuit.