
Le 18 février
2003

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Le peuple empoisonné (2)
(Agence Science-Presse) - Ce n'était
pas assez, 75 millions d'empoisonnés à l'arsenic.
Ajoutons-en d'autres.
La crise qui secoue le Bangladesh depuis des
années, risque en effet de s'élargir. Voilà
qu'on découvre de nouveaux cas d'empoisonnement à
l'arsenic dans l'eau potable, en divers points du bassin
du Gange, dans l'Inde voisine.
Rappelons les faits. Il y a un quart de siècle,
commençait un programme massif d'aide internationale
au Bangladesh, qui allait conduire au creusage de centaines
de puits, dans le but de réduire la proportion de
maladies causées par de leau contaminée.
Funeste décision: quelques dizaines de millions de
personnes se retrouvèrent ainsi en train de boire
de l'eau qui se révélerait plus tard contaminée
à l'arsenic.
"Le pire empoisonnement de masse de l'histoire",
selon l'expression consacrée. Selon l'Organisation
mondiale de la santé, jusqu'à 270 000 personnes
sont peut-être mortes dans les années 80 et
90 des suites d'un empoisonnement à l'arsenic. Une
poursuite judiciaire a été déposée
en Angleterre contre les géologues de l'époque,
accusés par les autorités du Bangladesh d'avoir
fait preuve de négligence lorsqu'ils ont autorisé
le creusage de ces puits.
Et comme si ça ne suffisait pas, en
novembre, on apprenait que l'arsenic pouvait resurgir
à travers l'eau d'irrigation, et ainsi passer dans
le riz, premier aliment du Bangladesh.
Mais ça non plus, ça ne suffisait
pas. La crise du Bangladesh, plus précisément
la crise du delta du Bengale, "pourrait être la pointe
de l'iceberg", avance l'épidémiologiste Dipankar
Chakraborti, de l'Université Jadavpur à Kolkata,
qui lance un appel urgent à une analyse à
grande échelle des cours d'eau et des sources d'approvisionnement
en eau dans toute cette région du sous-continent
indien, où vit un demi-milliard de personnes. "Le
problème de l'arsenic s'est intensifié pendant
une longue période de négligence. Nos erreurs
passées ne doivent pas être répétées."
Ses inquiétudes et celles de son équipe
s'appuient sur des données, publiées dans
l'édition en ligne de la revue Environmental Health
Perspectives. On y lit que de nombreuses rivières
aujourd'hui suspectes, incluant le Gange, faisant partie
du delta du Bengale, sont partagées par le Bangladesh
et l'État voisin, en Inde, du Bengale occidental.
On y lit, surtout, qu'un taux anormal de cancers de la peau
et de décès par cancer ont été
signalés dans le village de Semria Ojha Patti, dans
l'Etat indien du Bihar, à 500 kilomètres à
l'Ouest du delta, où les chercheurs ont recueilli
des échantillons d'eau... dont la moitié contenaient
cinq fois la limite d'arsenic jugée acceptable.
En plus des cas de cancers et des problèmes
neurologiques traditionnellement associés à
l'arsenic, on craint que des taux élevés de
fausses couches ne soient une autre conséquence.
Mais l'étude dont il est question ici n'a pas permis
de creuser jusque-là. En fait, elle n'a pas permis
de creuser dans l'ensemble de cette région d'un demi-milliard
d'habitants: elle ne fait que tirer la sonnette d'alarme
-sur une situation alarmante qui ne cesse de prendre de
l'ampleur, à mesure que les années passent.
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