Posséder
une pelouse parfaite
reste une lutte
sans répit
un peu partout dans
le monde, mais en
plus, dans des lieux
comme le Québec,
le climat joue des
tours: parmi les
centaines de semences
existantes, aucune
ne convient parfaitement.
Larrosage:
le gazon consomme
beaucoup deau.
Son entretien commande
un arrosage par
semaine, et jusquà
10 cm de profondeur.
Depuis des années,
les municipalités
sont obligées
démettre
des règlements
rationnant les périodes
d'arrosage afin
déviter
le gaspillage.
La
tonte: la chère
tondeuse ne fait
pas qu'empoisonner
l'existence des
voisins: elle pollue
effrontément!
En 30 minutes, ces
petits engins peuvent
expédier
dans l'air autant
de gaz carbonique
quune voiture
pendant 300 kilomètres!
Les
pesticides:
Onil Samuel, de
lInstitut
national de la santé
publique du Québec,
estime que le nombre
dintoxications
causées par
des pesticides se
situe autour de
1500 par année.
Près de 45%
des cas d'intoxication
aiguë sont
des enfants de 0
à 15 ans.
Figurent aussi
parmi les plus vulnérables
les femmes enceintes,
les utilisateurs
professionnels de
pesticides et
les joueurs de golf.
Évidemment,
chiens et chats,
qui adorent mâchouiller
et se rouler dans
lherbe, ne
sont pas à
labri de ces
risques.
Le gazon qui tue
La
santé des
gens n'est pas seule
en cause: la course
à l'élimination
de la mauvaise herbe
entraîne,
à long terme,
un appauvrissement
du sol, provoquant
de ce fait une dépendance
à l'engrais.
Qui plus est, non
contents d'éliminer
les insectes, les
pesticides tarissent
la principale source
alimentaire des
oiseaux: les vers
de terre. Enfin,
certains produits,
comme ceux à
base de dianizon,
sont extrêmement
toxiques pour les
oiseaux.
Le
pire, c'est que
bien souvent, les
bestioles dont on
souhaite se débarrasser
sont celles qui,
dans les années
suivantes, se reproduiront
beaucoup plus facilement
que les bêtes
qui s'en nourrissaient
La raison est simple:
elles sont plus
nombreuses et il
suffit de quelques
générations
pour que le petit
groupe de survivants
aux produits toxiques
n'engendre une vigoureuse
descendance
Les origines d'une
verte obsession
Mais
d'où vient
donc cet attrait
pour un étalage
d'herbe purement
décoratif?
Pourquoi les gens
n'ont-ils pas plutôt
pris l'habitude
de cultiver quelque
chose d'utile, comme
un potager? Tant
qu'à besogner
sous le soleil
Cette
fierté de
nos banlieues remonte
au Moyen âge,
en Angleterre, où
les seigneurs faisaient
défricher
les terres encerclant
leurs châteaux
pour voir venir
l'ennemi. Une fois
cela fait, l'herbe,
alimentée
par un climat pluvieux,
poussait fort bien
sur ces espaces
nus. Ne restait
plus qu'à
y envoyer les vaches
et les moutons,
qui devenaient ainsi
les premières
tondeuses à
gazon de l'histoire.
Mais
la véritable
origine d'un espace
purement décoratif
remonte au milieu
du XIXe siècle,
lorsque les aristocrates
britanniques émigrés
aux Etats-Unis ont
décidé
de tapisser de vert
leurs propriétés.
À cette époque,
la valeur des terres
était déterminée
par leur productivité,
et le sol gazonné
signalait à
autrui que son propriétaire
était suffisamment
riche pour posséder
un terrain
parfaitement inutile.
Il
n'en fallait pas
plus pour que ce
signe d'opulence
ne soit copié
par les bourgeois
puis, par la classe
ouvrière.
De sorte que 50
ans plus tard, la
pelouse s'étendait
déjà
indistinctement
sur tous les terrains
de toutes les banlieues
d'Occident et devenait
la fierté
et la servitude
des résidents.
L'orgueil
commande de posséder
le gazon le plus
vert du quartier.
La gazon mal entretenu
suggère "le
drame, le divorce,
la mort accidentelle,
la dépression,
le revers de fortune,
le laisser-aller,
le célibat,
la défaite
(
) quand ce
n'est pas une moralité
douteuse", relate
avec humour l'anthropologue
Serge Bouchard dans
Quinze lieux
communs.
On
a vu des Américains
ne pas hésiter
à traîner
en cour un voisin
négligent.
Gare aux mauvaises
herbes!
Hélène
Côté
et Sabine Bandiera