
Le 23 décembre
2005

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Perspectives 2006
Blogue et science: un retour vers la vraie nature d'Internet
(Agence Science-Presse) - Au commencement,
les utopistes d'Internet faisaient miroiter un univers d'échange
d'informations, de dialogues planétaires où
les sans-voix deviendraient les égaux des grands
médias... Au lieu de cela, Internet est devenu, au
cours des 15 dernières années, une gigantesque
bibliothèque et un nouveau canal de communication
grâce au courriel. Mais voilà que tout à
coup, le web semble revenir à ses racines. Les scientifiques
pourraient-ils s'en servir pour dialoguer avec cette société
qui semble parfois si loin d'eux?
La
revue Nature semble en tout cas le croire, elle qui,
dans un reportage récent, reproche à la
communauté scientifique de regarder le train passer
tandis que, entre blogues et wikis, le web vit une transformation,
"subtile mais profonde, pour devenir davantage un web social".
Or, la science, c'est effectivement un
échange d'informations, un dialogue planétaire,
un marché libre d'idées: sans cela, elle
ne progresse pas. Certains chercheurs ont donc rapidement
fait le lien entre ces caractéristiques de la
science et la caractéristique première
des blogues: des outils qui permettent à quiconque,
en un rien de temps, de commenter un texte, voire de
le corriger (comme dans l'encyclopédie
wikipedia, la plus connue des "wikis"). D'où
la possibilité d'une communication plus rapide
et plus efficace entre les chercheurs... et, qui sait,
entre les chercheurs et le public. |
A
lire aussi:
Le
scientifique wikipédien
Wikipedia
vs. Britannica (19 décembre)
ArXiv:
la recherche pénètre la blogosphère
Qu'est-ce
qu'un blogue? Pourquoi des blogues? Lisez
notre dossier Blogue.
|
Cela ne remet pas en question le traditionnel
journal imprimé, lieu par excellence de la publication
d'un texte révisé par d'autres experts. Mais
"les blogues peuvent offrir n'importe quel type de contenu,
des articles révisés par les pairs jusqu'à
de pures spéculations", résume Amy Gahran,
rédactrice de Contentious, un cyber-magazine
créé à l'époque où le
mot blogue n'existait pas encore.
Si les blogues ont explosé le
moteur Technorati prétend qu'ils ont dépassé
à présent la barre des 20 millions, encore
qu'une proportion indéterminée sont morts
ou moribonds ils demeurent encore marginaux en science.
Les scientifiques qui ont franchi le pas sont par contre
unanimes: cela devient pour eux une ouverture à parler
de ce dont ils ne peuvent parler nulle part ailleurs. Autant
pour ceux qui ont lancé un blogue dans un but de
vulgarisation (comme les neuf climatologues de Real Climate,
que nous avons souvent cités en exemple) que pour
ceux qui tentent de dialoguer aussi avec d'autres chercheurs.
"Placez une description de votre article sur
un blogue et quelque chose de très différent
se produit, explique dans Nature le biologiste de
l'Université du Minnesota Paul Myers, du blogue Pharyngula.
Des gens qui sont très loin de votre cercle habituel
commencent à réfléchir à ce
sujet. Ils amènent d'intéressantes perspectives."
"Environ 1500 personnes visitent chaque jour",
affirme un épidémiologiste américain
qui signe sous le pseudonyme de Revere sur son blogue Effect
Measure. " 1500, c'est deux fois le nombre d'abonnés
de plusieurs journaux spécialisés."
Une distraction du "vrai" travail?
A ceux qui prétendent que cette abondance
de messages gruge un temps précieux sur la lecture
de textes plus achevés et d'informations plus crédibles,
les promoteurs des blogues rétorquent que le système
d'hyperliens produit en soi un filtrage: ce qui est important
va émerger du bruit de fond, parce qu'il sera
répercuté de blogue en blogue et
commenté, et critiqué, et corrigé.
Plus il y a de blogueurs dans une discipline, plus ce filtrage
devient efficace, affirme Greg Tyrelle, bioinformaticien
à l'Université Chang Guan de Taïwan et
blogueur sur Nodalpoint.org.
Les blogues associés à un journal
"traditionnel" peuvent contribuer à crédibiliser
un noyau dur de blogues, ajoute Glenn McGee, rédacteur
en chef de l'American Journal of Bioethics dont
le blogue permet au journal de répondre plus vite
et de réagir de façon différente aux
controverses. Avantage supplémentaire, le blogue
a un plus grand impact sur le public: il aurait déjà
influencé des reportages journalistiques sur des
questions éthiques.
Il y a aussi d'autres craintes, qui n'ont
pas encore trouvé réponse, le blogue étant
un phénomène encore trop récent. Selon
Gavin Schmidt, de Real Climate, plusieurs scientifiques
évitent de bloguer parce qu'ils craignent que cela
ne nuise à leur carrière. Plusieurs jeunes
bloguent anonymement, de peur d'être mal jugés
par leurs supérieurs. "Jusqu'à ce que le blogue
soit vu comme normal, cela continuera d'être un problème",
admet Schmidt.
Pascal Lapointe
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