
Le 22 février
2005

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Science et politique ne font pas bon ménage
WASHINGTON (Agence Science-Presse) - La "pilule
du lendemain" est classée comme "médicament
dangereux" dans 44 des 50 États américains.
Une décision qui n'a rien à voir avec la science,
mais tout avec la politique.
"Elle est sécuritaire, elle est efficace,
elle évite aux femmes de devoir aller chez le médecin,
elle a peu d'effets secondaires, elle réduit le nombre
de grossesses non-désirées et d'avortements.
Et pourtant, s'enflamme Felicia Stewart, elle est classée
comme un médicament dangereux. De ce fait, il est
très difficile de se la procurer aux Etats-Unis."
Deux produits, Preven et Plan B avaient pourtant
été approuvés par la FDA (Food and
Drug Administration) pour la vente libre en pharmacie en
1998-99. Selon l'interprétation qu'en fait Felicia
Stewart, c'est ensuite l'entrée à la FDA de
trois médecins "opposés à la contraception
pour des raisons religieuses" qui a provoqué le basculement.
Opposition à la pilule du lendemain
pour des raisons idéologiques, à l'avortement,
aux recherches sur les cellules-souches, le sida, l'obésité
infantile (voir
ce texte), les espèces menacées, le réchauffement
planétaire ou la contamination du poisson au mercure:
depuis trois ans, les ingérences de la Maison-Blanche
dans la science ont été plus nombreuses que
jamais.
Mais, phénomène rarissime, des
scientifiques ont commencé à s'en plaindre
et à prendre position sur la place publique. Une
soixantaine des scientifiques les plus prestigieux, dont
12 Prix Nobel, ont signé en 2004 une lettre de protestation
contre ces ingérences (voir
ce texte). La National Academy of Sciences a protesté
contre la nomination, à la tête de comités
scientifiques, de gens choisis en fonction de leurs opinions
politiques et non de leur expérience scientifique.
Et une association relativement obscure, qui fait un travail
de sensibilisation depuis plus d'un quart de siècle,
l'Union of Concerned Scientists (UCS), a publié deux
rapports accusateurs en 2004 (voir
ce texte et celui-ci),
en plus de piloter une pétition qui a rassemblé
jusqu'ici plus de 6000 signatures du monde scientifique.
Étonnant dans ces conditions que l'Association
américaine pour l'avancement des sciences (AAAS),
qui tenait son congrès ces derniers jours à
trois kilomètres de la Maison-Blanche, à Washington,
n'en ait pas profité pour prendre elle aussi position.
Mais elle avait tout de même mis à l'horaire
deux ateliers couvrant toute une journée, consacrés
à un Pronostic pour les quatre prochaines années:
Stratégies pour empêcher une mauvaise utilisation
de la science.
C'est dans ce contexte que Felicia Stewart,
de l'Université de Californie à San Francisco,
a fait part de son indignation quant aux tergiversations
de l'administration Bush sur la pilule du lendemain. Kurt
Gottfried, président et fondateur de l'UCS, en plus
d'être professeur à l'Université Cornell,
dans l'État de New York, en a profité pour
remettre sur le tapis la pétition de l'UCS: "la distorsion
des connaissances scientifiques à des fins politiquement
partisanes doit cesser, si on veut que le public soit adéquatement
informé et que la nation profite pleinement de ses
investissements en recherche scientifique".
Jusqu'où sont-ils prêts à aller?
Mais si les scientifiques qui appuient cette
pétition sont nombreux, ceux qui sont vraiment prêts
à se mouiller politiquement, comme Kutt Gottfried
le fait depuis 30 ans, le sont moins. Egalement l'un des
panelistes, Donald Kennedy, rédacteur en chef de
la revue Science, a déclaré qu'il approuvait
pleinement le contenu de cette pétition, mais qu'il
ne pouvait la signer en raison de son poste. La revue Science
est publiée par l'AAAS.
La réunion de la jeune coalition Intégrité
dans la science -une autre création de l'UCS-
qui avait lieu le soir même dans un restaurant proche,
avait davantage l'allure d'une rencontre entre amis. La
question de l'intégrité de la science, admet
Gottfried, "est encore loin de l'écran-radar du public".
Mais elle est également loin de faire
une différence là où ça compte,
c'est-à-dire dans les zones où science et
politique se rejoignent: en dépit de leurs pétitions
et protestations, les scientifiques ont appris le mois dernier
que la proposition de budget 2006 déposée
par le Président Bush coupait dans pratiquement tous
les budgets scientifiques, sauf la NASA et... la défense!
Et si le budget est adopté tel quel, un tiers des
agences subissant des coupures seront en... éducation.
Pascal Lapointe
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