Jusqu'ici, l'image du mammifère, ancêtre 
                      notamment de tous les primates, dont nous-même, était 
                      plutôt celle d'un minuscule rongeur, plus petit que 
                      votre petit doigt, qui vivait dans des trous et ne sortait 
                      que la nuit. La mort des dinosaures, il y a 65 millions 
                      d'années, en libérant d'un coup une multitude 
                      de niches écologiques, lui a permis de prospérer.
                    C'est bien pourquoi la découverte annoncée 
                      la semaine dernière dans la revue Science 
                      par le paléontologue chinois Qiang Ji, de l'Université 
                      de Nanking, et son équipe, a un aspect stupéfiant: 
                      non seulement fait-elle reculer de 100 millions d'années 
                      l'âge du plus ancien mammifère marin, mais 
                      en plus celui-ci 
                      semble-t-il parfaitement adapté à son environnement 
                      aquatique, ce qui laisse supposer qu'il ne venait pas 
                      tout juste d'y tremper une patte.
                    Décrit dans un commentaire publié 
                      par Science comme "une pièce du casse-tête 
                      dans une série de découvertes récentes", 
                      ce fossile de 164 millions d'années démontre 
                      en effet que l'histoire ancienne des mammifères est 
                      encore plus complexe qu'on ne le supposait. Avec cette 
                      bestiole d'un demi-kilo (pour l'époque, c'est gros) 
                      apparemment bien adaptée à son environnement, 
                      on est à 1000 lieues de l'animal primitif et non-spécialisé. 
                    
                    Il faut dire que c'est la connaissance que 
                      l'on a des mammifères anciens qui était, jusqu'à 
                      récemment, primitive. Au milieu des années 
                      1970, les scientifiques avaient tout au plus à leur 
                      disposition, pour tout tout le mésozoïque (de 
                      144 à 65 millions d'années) que quelques dents 
                      et mâchoires. D'où l'image limitée à 
                      quelques pseudo-rongeurs insectivores sans réelle 
                      adaptation à leur environnement. 
                    Si ce Castorocauda lutrasimilis devait 
                      vivre aujourd'hui, il 
                      ressemblerait à une erreur de la nature: la queue 
                      de 20 cm de long d'un castor, les pattes d'une loutre, des 
                      dents capables d'attraper des poissons et probablement des 
                      pieds palmés. Mais à l'époque, il constituait 
                      une expérience naturelle réussie. Le fossile 
                      a été découvert en Mongolie intérieure, 
                      tellement bien préservé qu'il subsistait des 
                      traces indirectes d'organes internes et de fourrure. 
                    
                    "Nous sommes au bord d'un changement majeuer 
                      dans l'image que nous nous faisons de l'évolution 
                      des mammifères" résume le "mammalogiste" 
                      allemand Thomas Martin, dans le commentaire publié 
                      par Science. "Le potentiel fossile de la formation 
                      Jehol dans la province chinoise du Liaoning ou en Mongolie 
                      intérieure ne fait que commencer à être 
                      exploité."