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L'échec qui réjouit les
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La folie des uns et l'innocence des
autres
Les oiseaux tombent
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Une planète
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Un cousin de
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Le tabac cancérigène...
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Ceci n'est toujours pas un clone
Où commence un être humain ? A partir de
quel moment doit-t-on cesser de parler d'une masse informe de
cellules, et commencer à dire : "ceci est un humain"?
Lire aussi: Ceci n'est pas un clone
(21 juin 1999)
On n'échappe pas à ce genre de question philosophique
dès qu'il est question de clonage humain. Ou de clonage
tout court. Parce qu'en dépit des manchettes qui ont fait
le tour du monde ce lundi, 3 avril, la Grande-Bretagne n'a pas
autorisé le clonage d'humains. Du moins, pas au sens où
la science-fiction -et le public- l'entendent depuis des décennies.
Si vous êtes un habitué du site de l'Agence Science-Presse,
vous le savez déjà : en
novembre 1998, des chercheurs ont annoncé une révolution
autour de trucs appelés "cellules-souches".
Depuis, il ne se passe plus un mois sans qu'on entende à
nouveau parler de ces fameuses cellules-souches : il s'agit de
cellules qui ne se sont pas encore spécialisées
(en général, des cellules d'embryons), et auxquelles
on peut par conséquent -en théorie- "ordonner"
de se transformer en poumon, en rein, en foie, et ainsi de suite.
Et c'est de ça dont parle la Grande-Bretagne depuis
dimanche soir, et non pas du clonage d'un être humain.
"Le
moratoire sur le clonage de parties d'êtres humains sur
le point d'être levé" titre dans son édition
du 3 avril le quotidien londonien Daily Telegraph, d'où
est partie toute cette histoire. Autrement dit, ce dont on parle
ici, c'est de prendre une cellule, et de la cloner pour en faire
un poumon, ou un rein, ou un foie. Bref, de cloner une cellule
humaine. Et non pas un être humain.
Et en soi, la nouvelle ne surprend pas : on l'a vue venir.
Aux premiers pas vers une maîtrise des cellules-souches
en novembre 1998, se sont ajoutées en 1999 une foule de
réflexions sur le clonage. Imaginons par exemple que vous
soyez en attente d'une transplantation de poumon. Plutôt
que de prendre n'importe quelle cellule-souche, pourquoi ne pas
prendre une de vos propres cellules (la moelle osseuse abriterait
elle aussi des cellules-souches) ? Si on parvient à lui
" ordonner " de se transformer en poumon, on obtient
un clone de votre propre poumon, ce qui élimine tout risque
de rejet.
Une expression nouvelle a immédiatement surgi pour
décrire cela : le clonage
thérapeutique. Par opposition au clonage reproductif,
celui qui a donné naissance à Dolly-la-brebis.
Le clonage thérapeutique implique le clonage de parties
d'êtres humains (ou d'animaux) à des fins médicales.
Il ne suppose même pas la création d'embryons viables
: juste une poignée de cellules d'embryons destinés
à devenir tel ou tel organe.
Il était difficile d'imaginer que le gouvernement britannique,
qui a sur son territoire quelques chefs de file de la recherche
mondiale en biotechnologie et en clonage (c'est là qu'est
née Dolly), resterait longtemps sourd à cet argument...
L'automne dernier, le gouvernement du travailliste Tony Blair
a donc formé un comité chargé de conseiller
Sa Majesté sur les mesures à prendre en matière
de clonage thérapeutique -et seulement thérapeutique.
Ce sont les conclusions de ce comité que le Daily Telegraph
affirme avoir obtenu avec quelques semaines d'avance : le comité
recommanderait donc une levée du moratoire pesant actuellement
en Grande-Bretagne sur ce type de recherches, en vertu d'une
loi de 1990 sur les nouvelles technologies de reproduction. Le
comité, poursuit le Telegraph, aurait conclu que
" les bénéfices potentiels l'emportent sur
les objections éthiques ". Et le conseil des ministres,
ajoute même le journal, serait prêt à appuyer
cette recommandation.
Le ministère de la Santé s'est contenté
de qualifier l'article du Telegraph de " spéculation
".
S'il est exact, cela signifiera que la Grande-Bretagne se
mettra au diapason d'autres pays qui n'ont pas de tels moratoires
ou qui, comme les Etats-Unis, en ont un qui n'affecte que les
investissements publics dans la recherche (mais non les investissements
privés). Or, si les cellules-souches se révèlent
vraiment, au cours de la prochaine décennie, la percée
médicale que l'on croit, les retombées commerciales
risquent d'être juteuses...
Mais le Telegraph, lui -journal conservateur, opposé
au gouvernement Blair- a d'ores et déjà fait son
lit : en plus du reportage, il publie dans son édition
de lundi un éditorial qui prend vigoureusement position
contre le clonage thérapeutique.
Les groupes pro-vie sont
évidemment montés illico aux barricades, jugeant
que cette technique équivaut à " sacrifier
" un embryon. " C'est du clonage, a déclaré
sur les ondes de la BBC le directeur d'un de ces groupes. C'est
la production d'une réplique exacte d'un autre être
humain. "
Si le débat demeure à ce nouveau, la Grande-Bretagne
doit s'attendre à une semaine agitée, elle qui
en a déjà eu plein les bras depuis deux ans avec
les protestations contre les aliments transgéniques...
On s'attend à ce que les mouvements religieux montent
eux aussi aux barricades. Mais étonnamment, il pourrait
ne pas y avoir unanimité de ce côté : il
y a seulement deux semaines, le Daily Telegraph, encore
lui, publiait un autre article, où on apprenait que l'évêque
anglican d'Edimbourg, en Ecosse, était favorable au clonage
thérapeutique. " Le clonage est très controversé,
expliquait le Très Révérend Richard Holloway,
66 ans, parce que les gens deviennent très agités
à l'idée de cloner des armées d'individus.
Mais personne ne pourrait approuver cela. Ce que nous suggérons
ici, c'est de produire des tissus qui pourraient être utilisés
à des fins thérapeutiques. "
Si même la religion s'en mêle...
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