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La semaine S
A moins d'avoir passé toute la semaine loin des
médias, vous savez qu'a actuellement lieu, en Afrique,
un congrès mondial sur le sida. Et si, après avoir
lu cette phrase, déjà, vous avez envie de cliquer
pour changer de page, vous avez compris pourquoi l'Afrique a
autant de mal à lutter contre le sida : au Nord de l'équateur,
on s'en fout.
Est-ce que vous vous en foutez?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito
Selon un récent rapport du programme des Nations Unies
contre le sida (ONUSIDA), la maladie aurait enlevé 18
millions de vie depuis 1981.
Mais plus dramatique est cette autre donnée: il y aurait
à l'heure actuelle 34 millions de personnes, adultes et
enfants, infectées... dont
24,5 millions en Afrique sub-saharienne.
Ce que cela signifie a déjà été
évoqué dans nos pages:
dans les pays du Nord, la maladie est en régression. Lorsqu'il
est combattu à temps, le VIH -le virus responsable du
sida- peut être considérablement affaibli par la
fameuse "tri-thérapie" -le cocktail de trois
médicaments, dont l'AZT, qui constitue, à ce jour,
l'arme la plus efficace.
Affaibli, mais non éliminé -en fait, les spécialistes
croient que le virus n'est jamais complètement détruit,
mais qu'il demeure "endormi", à un niveau indétectable,
au fond de notre organisme; mais au moins, le taux de mortalité
recule régulièrement depuis 1995.
Mais cela vaut pour les pays du Nord seulement. Parce
que la trithérapie coûte très cher, elle
est hors de prix pour les établissements de santé
d'Afrique et d'une bonne partie de l'Asie. Et on ne vous parle
même pas des patients....
Au-delà des considérations scientifiques qui,
cette fois encore, prennent beaucoup de place dans de Congrès
mondial sur le sida -le 13e du nom, et le premier à se
tenir en Afrique, plus précisément, à Durban,
Afrique du Sud- ce
sont donc les considérations politiques qui retiennent
l'attention cette année.
Les enjeux politiques, en effet, sont au nombre de trois :
l'argent, l'ignorance et une société
décapitée.
|
Une sélection des meilleurs reportages
sur la XIIIe Congrès mondial sur le sida
16 juillet
Analyse: le sida en Afrique a besoin d'une approche
différente
(New York Times)
15 juillet
Clôture d'un congrès plus politique que
médical
(Libération)
12 juillet
"Une menace à la paix", selon un
projet de résolution à l'ONU
(Le Monde)
L'Eglise catholique porte une part de responsabilité
(Daily Telegraph)
11 juillet
La variable mystérieuse: la circoncision
(New York Times)
Les chercheurs craignent que l'attitude du président
sud-africain ne mette des vies en danger
(Daily Telegraph)
La France plaide pour l'accès aux traitements
(Libération)
10 juillet
L'Afrique du Sud ouvre le congrès dans la controverse
(New York Times)
La planète sida face à la fracture Nord-Sud (Libération)
Le président du Botswana craint l'extinction
de son peuple à cause du sida
(Daily Telegraph)
Editorial: les pauvres et le sida
(Le Monde)
9 juillet
Une juge de la Cour suprême parle de la mort
de ses amis
(Sunday Times, Le Cap)
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1) L'argent. 90%
des malades sont au Sud, 90% des traitements sont au Nord,
résume l'Onusida. La trithérapie est hors de prix.
Et même si, en mai dernier,
les cinq géants pharmaceutiques mondiaux ont annoncé
qu'ils allaient "faire un prix" aux pays du Tiers-Monde,
c'est encore insuffisant. A 200$ par mois (70% moins cher que
dans les pays occidentaux!) cela
reste inaccessible à la quasi-totalité des sidéens
africains.
Au Brésil, selon Libération, on en est
rendu au point où le
"piratage " des médicaments a la cote. "Reproduire
la formule des médicaments contre le sida, c'est facile,
bon marché et excellent pour la santé des malades...
En 1997, le ministère de la Santé a autorisé
le centre publique (sic) de recherche Far-Manguinhos à
Rio à copier les formules des antirétroviraux non
protégés par des brevets. " "Les formules
ne sont jamais tout à fait correctes, explique l'un des
"experts", il y a toujours un "truc" pour
éviter les copies. Mais comme cela fait quatorze ans que
nous faisons des copies de médicaments, notre expérience
nous permet d'aboutir sans trop de difficulté." Serait-ce
là la pharmacologie de l'avenir?
En attendant, le salut semble toutefois être du côté
d'un éventuel vaccin. C'est d'ailleurs le seul endroit
où la science rejoindra la politique au cours de ce congrès
de Durban, auquel prendront part 10 000 personnes, scientifiques
et décideurs : car un vaccin, qu'on ne doit injecter qu'une
seule fois, est par définition moins cher qu'un médicament
qu'il faut prendre deux fois, trois fois, voire six fois par
jour. Or, depuis 10 ans, pratiquement tous les efforts des laboratoires
ont été dirigés vers la mise au point de
médicaments (lesquels, pour les mêmes raisons, sont
plus rentables qu'un vaccin, pour une compagnie). Le vent est
peut-être en train de tourner en faveur des vaccins, à
la lumière du désastre qui frappe l'Afrique. Mais
même avec la meilleure volonté du monde, il faut
plusieurs années pour en mettre un au point.
2) L'ignorance. L'épidémie étant
transmissible sexuellement, elle fait partie de ces choses dont
on ne parle pas dans plusieurs sociétés, ce qui
ne facilite pas le travail d'éducation. En Afrique du
Sud, ce problème a été renforcé ces
dernières semaines par le président lui-même,
qui a ressuscité une
idée qu'on croyait morte depuis 15 ans: celle suivant
laquelle le VIH ne serait pas responsable du sida. Dans une société
qui avait déjà du mal à faire circuler l'information
sur les pratiques sexuelles " à risque ", cette
intervention publique a donné du poids à ceux qui
veulent croire que l'AZT est inutile, et le condom encore plus.
Et ce, alors qu'on apprend qu'en Afrique du Sud, la proportion
de gens infectés est passée de 1% à 20%...
en moins de 10 ans.
Inutile de dire que les scientifiques sont
en froid avec le président Thabo Mbeki. Cinq
mille d'entre eux, dont plusieurs Prix Nobel, directeurs
de centres de recherche, de laboratoires et d'universités,
ont signé la semaine dernière la "Déclaration
de Durban", par laquelle ils pointent du doigt l'abondance
de preuves démontrant une filiation entre le VIH et le
sida, et tout le tort que peuvent causer des déclarations
mal informées. La Déclaration de Durban a été
diplomatiquement "oubliée" lors de l'ouverture
du Congrès. Mais tout le monde l'avait en tête lorsque
le Président Mbeki est venu faire son discours d'ouverture.
L'ignorance
fait également son chemin au Nord de l'équateur:
là où le taux de mortalité est en régression,
on assiste, révèlent des chiffres du Centre de
contrôle des maladies d'Atlanta, à une recrudescence
des comportements sexuels à risque, chez les jeunes et
les homosexuels, y compris ceux porteurs du VIH. "Grâce
au succès des trithérapies, lit-on dans Libération,
les Américains pensent tout simplement que l'épidémie
est terminée. " Le phénomène est illustré
par la couverture accordée au sida par la presse américaine,
qui a été l'une des plus prolifiques dans les années
80, et qui frôle l'indifférence aujourd'hui.
Tout n'est pas sombre, heureusement. Alors que dans certains
coins d'Asie, le sida progresse à une vitesse alarmante
(" seulement " 7 adultes sur 1000 en Inde seraient
infectés, ce qui représente tout de même
3 millions et demi de personnes!) , ici et là, des efforts
soutenus des gouvernements et des organismes communautaires ont
conduit la maladie à ralentir, voire à reculer.
En Thaïlande, la campagne " 100% condom " est
en bonne partie responsable de la diminution de la proportion
de jeunes hommes infectés depuis le début des années
90. Et l'Ouganda est souvent montré comme le modèle
à suivre : son président fut le premier du continent
noir à s'impliquer dans la lutte contre la maladie, avec
pour résultat une diminution du taux de prévalence.
Mais partout, on s'aperçoit que quels que soient les efforts
investis pour informer et éduquer, les changements de
comportements prennent du temps et mettent des années
à se manifester.
3) Une société décapitée.
Le terme " génération sacrifiée "
que les jeunes du Nord emploient, apparaît grossièrement
déphasé, face à ce qui se prépare
là-bas : presque 9% des 15-49 ans sont infectés
par le sida en Afrique sub-saharienne. Dans sept pays (Botswana,
Lesotho, Namibie, Afrique du Sud, Swaziland, Zambie, Zimbabwe),
la proportion atteint les 20%. Sur cinq garçons et filles
de 15 ans, deux vont peut-être mourir du sida dans ces
sept pays. A terme, c'est toute une société
qui va se retrouver décapitée d'une génération.
Jamais encore le monde n'aura expérimenté un taux
de mortalité de cette magnitude parmi les jeunes adultes
des deux sexes, dans toutes les couches sociales.
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