En manchettes la semaine dernière:
L'Adam d'Amérique
A lire également cette semaine:
Le bogue: Ouf!
L'art de se tirer dans
le pied
Le régime- miracle:
enlevez un gène!
Le ver bulldozer
Réparations d'urgence
pour Hubble
Et plus encore...
Archives des manchettes

LE KIOSQUE
Pour être branché sur la science
Notre nouvelle section:
Capsules québécoises
Qui sommes-nous?

Retour à
la page d'accueil

En manchettes sur le Net est
une production Agence Science-Presse
 |
Le millénaire des manipulations génétiques
Lorsqu'on parle de manipulations génétiques, faut-il
penser en fonction du court terme ou du long terme? Deux informations cette
semaine vont dans les deux directions... et arrivent à des conclusions
opposées.
Le court terme, d'abord: la Grande-Bretagne, où le débat
passionné sur les aliments modifiés génétiquement
dont nous parlions le 15 février, n'a
jamais cessé, imposera probablement un moratoire de trois ans sur
la commercialisation de ce type d'aliments. Et la surprise, c'est que les
compagnies semblent prêtes à coopérer.
"Les compagnies produisant des cultures génétiquement
modifiées sont
prêtes à céder aux pressions du gouvernement pour mettre
un frein à la croissance commerciale pendant au moins trois ans",
résume le Daily Telegraph à la Une de son édition du
15 mars. Le cabinet du ministre travailliste Tony Blair se dit en effet
confiant d'avoir l'appui de l'industrie jusqu'en 2002, délai qui
sera mis à profit pour effectuer d'autres études sur les risques,
réels ou non, posés par ces aliments transgéniques
-essentiellement, des fruits ou légumes auxquels on a introduit un
gène étranger, par exemple, pour augmenter leur résistance
aux insectes. Ce moratoire, s'il se réalise, serait l'aboutissement
de négociations de quelques semaines entre les hauts-fonctionnaires
et les firmes de biotechnologie, dont Monsanto, Novartis et Zeneca.
Le point de départ de cette controverse se situe en août
1998, avec une déclaration à la télévision britannique
du Dr Arpad Pusztai, 68 ans. Interrogé par l'animateur de l'émission
World in Action, il affirme qu'une étude récente sur
des rats, nourris pendant 10 jours de pommes de terre transgéniques,
aurait permis de constater un affaiblissement du système immunitaire
chez certains d'entre eux, ainsi qu'un mauvais développement du rein,
de la rate et du cerveau.
Moins de 48 heures plus tard, on apprenait que le Dr Pusztai avait précédemment
été accusé de fraude scientifique, que sa crédibilité
était plus que chancelante, et que l'étude dont il avait fait
état n'avait aucun fondement. Mais les lobbyistes de l'environnement
allaient continuer à le défendre et, le 12 février,
un groupe de 21
experts internationaux déposait en Grande-Bretagne un rapport
appuyant les conclusions du Dr Pusztai. On apprendrait quelques jours plus
tard que ces 21 experts soi-disant indépendants avaient en fait été
payés par l'association écologique Les Amis de la Terre, mais
le débat était désormais sur orbite: les
uns réclamaient la démission du gouvernement de Tony Blair,
les autres un moratoire sur toute recherche sur les aliments transgéniques.
Après avoir, pendant deux semaines, rejeté
vigoureusement l'idée d'un tel moratoire, il semble que le gouvernement
britannique en soit arrivé à un compromis. Plusieurs diront
qu'il n'avait pas le choix, devant la vigoureuse opposition populaire -et
l'industrie n'aurait elle non plus eu d'autre choix que de se plier à
la volonté populaire. Quant à l'idée d'une politique
d'étiquetage obligatoire de ces aliments dans les supermarchés
elle n'a pas été abandonnée, mais
les sondages ont bien révélé qu'elle ne suffirait pas
à calmer les opposants.
Un porte-parole du 10 Downing Street refusait en fin de semaine de parler
d'une "entente" (deal) avec les compagnies, affirmant qu'il
s'agit d'un "moratoire volontaire". Mais tous les opposants aux
aliments transgéniques sont aux anges.
Voilà pour le court terme. Le long terme? C'est une déclaration
du célèbre physicien Stephen Hawking, dans le cadre de la
Semaine des sciences actuellement en cours en Grande-Bretagne. Une déclaration
que l'on peut résumer ainsi: à
long terme, les aliments transgéniques sont tout aussi inévitables...
que les humains transgéniques.
Le savant, que plusieurs ont comparé depuis 20 ans à Einstein,
auteur du populaire ouvrage Une Brève histoire du temps, prononçait
une conférence sur les percées scientifiques qui nous attendent
dans... les 1000 prochaines années.
A ses yeux, il ne fait aucun doute qu'on en arrivera tôt ou tard
à des humains modifiés génétiquement. Il ne
s'agit pas d'approuver ou de désapprouver: il s'agit simplement de
prendre acte du fait qu'une connaissance de plus en plus complète
de notre bagage génétique -et du bagage génétique
de toutes les espèces vivantes- nous entraîne inévitablement
sur cette voie.
"Plusieurs personnes diront que les manipulations génétiques
sur des humains devraient être bannies, mais je doute que ce soit
possible."
Et comme pour confirmer ses dires, on apprenait cette semaine que le
projet génome humain -le gigantesque programme international de décodage
de l'ensemble de notre bagage génétique- était en avance
sur l'horaire. Une
"carte" préliminaire du génome sera vraisemblablement
complétée dès février 2000, grâce
à l'arrivée dans le décor, en 1998, de deux compagnies
privées, dont la
concurrence a contribué à accélérer le processus.
Le décodage complet quant à lui, devrait être complété
en 2003.
A ce moment-là, on se retrouvera donc devant un événement
historique: une "carte géographique" complète de
nos 100 000 gènes. Mais le travail ne fera que commencer: il faudra
déterminer à quoi servent tous ces gènes, un par un.
Cette "deuxième phase" pourrait prendre quelques décennies.
Et même une fois cela terminé, nous n'aurons qu'à peine
commencé à explorer le millénaire prédit par
Hawking... |