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Et pourquoi pas du ritalin pour les embryons?
Ajouterons-nous bientôt une larme de ritalin au
biberon des nouveau-nés, question de calmer leurs pleurs?
Question absurde? Pas tant que ça, si on se fie aux résultats
d'une recherche sur l'hyperactivité chez les enfants de
trois ans et moins.
L'enquête a été effectuée par Marsha
Rappley, de l'Université du Michigan. Rapportée
il y a quelques semaines par le New Scientist, elle révèle
en effet une toute nouvelle réalité: à l'heure
actuelle, des
bébés sont diagnostiqués hyperactifs et
soumis à une médication dont ni l'efficacité
ni l'impact sur le développement ne sont connus.
La chercheure en médecine s'interrogeait sur les pratiques
en cours pour traiter l'hyperactivité chez les enfants
en bas âge. En examinant les dossiers médicaux du
Medicaid -le service d'assurance-maladie- de l'État
du Michigan, l'équipe de Marsha Rappley a eu la surprise
de découvrir 223 enfants de trois ans et moins diagnostiqués
hyperactifs: plus précisément, ce que les psychiatres
appellent le trouble déficitaire de l'attention (en anglais:
ADHD, Attention déficit and hyperactivity disorder).
Ça ne s'est pas arrêté là: plus
de la moitié de ces bambins, soit 57 %, étaient
sous médication. Moins du tiers, soit 27 %, étaient
suivis par un psychologue. Plusieurs éprouvaient également
des retards de développement, du langage et des habiletés
cognitives en général, ainsi que des problèmes
de santé (diabète, asthme, autres maladies chroniques).
En tout, les médecins avaient prescrit 22 médicaments
à ces enfants, pour l'équivalent de 30 combinaisons
différentes. Et le tiers de ces enfants prenait deux à
trois médicaments différents chaque jour.
Une maladie qui reste à prouver
Tout cela est d'autant plus étonnant que même
la définition d'hyperactivité ne fait pas consensus
parmi la communauté scientifique!
C'est que l'ADHD regroupe un ensemble de troubles, le plus
souvent caractérisés par un déficit de l'attention,
qui provoquent diverses perturbations du comportement, dont on
n'est pas trop sûr s'ils ont une cause physique, psychologique,
ou un mélange des deux. La cause physique pourrait être
le résultat d'un manque de neurotransmetteurs, des substances
chimiques parmi lesquelles on compte la dopamine; cette absence
altérerait le fonctionnement de la zone du cerveau responsable
du contrôle de certains comportements. Le ritalin, le traitement
le plus souvent prescrit, a précisément pour fonction
de stimuler la production de ces substances.
Résultat espéré: un comportement dit
"normal", qui se vérifie par une capacité
de concentration accrue et, en conséquence... de meilleurs
résultats scolaires.
Or, il n'y a pas consensus là non plus. Selon le rapport d'un
comité d'experts du NIH (National Institutes of Health),
aux États-Unis, publié l'an dernier, il n'existerait
aucune preuve d'un impact positif. La performance académique
(pas plus que les habiletés sociales, d'ailleurs) des
enfants hyperactifs demeurerait généralement en
deça de la moyenne, ritalin ou pas ritalin.
Tout récemment, les Archives of General Psychiatry,
faisaient écho à la thèse exactement inverse:
le
ritalin aurait plus d'effets bénéfiques sur les
enfants hyperactifs avec trouble déficitaire de l'attention
que la thérapie dite comportementale (behavioriste). De
quoi, estimaient les analystes, convaincre les parents encore
réticents.
Trois ans: l'âge du diagnostic
Cette absence de consensus, vient donc de nous apprendre l'étude
de l'Université du Michigan, n'empêche pas de diagnostiquer
et traiter les enfants de plus en plus jeune. Un bambin de deux
ans peut-il vraiment être diagnostiqué hyperactif?
Interrogé à ce sujet par l'Agence Science-Presse,
le pédopsychiatre montréalais Claude Jolicoeur
répond que les enfants diagnostiqués hyperactifs
présentent des signes de ce trouble dès leur plus
jeune âge. Ce sont des bébés qui, par exemple,
"se mettent soudainement à marcher, à courir,
à grimper partout; qui, à deux ans, se réveillent
aux 5 minutes pendant la nuit; qui détestent se faire
prendre."
Selon le médecin, aucun diagnostic ne peut toutefois
être posé avant que l'enfant n'ait été
exposé à la contrainte pendant un certain laps
de temps. Or, les contraintes sont beaucoup plus nombreuses dans
un contexte de groupe, comme la garderie et l'école, qu'à
la maison avec maman pour soi tout seul. Comme les enfants sont,
aujourd'hui, socialisés beaucoup plus tôt qu'auparavant,
on peut présumer qu'ils seront dépistés
plus tôt. D'où l'augmentation sensible des prescriptions
de ritalin qui a déclenché une polémique
ces dernières années.
Mais à partir de quel âge, et selon quels critères,
prend-on la décision de médicamenter un bambin?
Parfois aussi tôt que trois ans, mais uniquement pour des
cas extrêmes, d'après le Dr Jolicoeur. C'est-à-dire?
"Si l'enfant est en danger, met sa vie ou la vie des autres
en danger, s'il est violenté à la maison, s'il
est une petite peste épouvantable qui est à la
veille de créer un divorce... J'ai le choix entre appeler
les services de protection de la jeunesse et détruire
le noyau familial ou donner une médication."
La décision de médicamenter un enfant, en combinant
le traitement à une thérapie, demeure essentiellement
une question de compassion humaine, selon le pédopsychiatre.
"À trois ou quatre ans, l'enfant devrait avoir atteint
un niveau de maturité qui lui permette de composer avec
la contrainte. À 5 ans, il est en maternelle. À
six ans, en première année. Pourquoi le mettre
en situation d'échec? C'est une souffrance gratuite."
Entre 3 et 5 % des enfants seraient atteints d'hyperactivité,
dont une plus forte proportion de garçons. Mais bien malin
qui pourra dire combien on compte de bambins parmi eux...
Recherche et rédaction: Julie Calvé
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