Semaine du 17 janvier 2000

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Et pourquoi pas du ritalin pour les embryons?


A
jouterons-nous bientôt une larme de ritalin au biberon des nouveau-nés, question de calmer leurs pleurs? Question absurde? Pas tant que ça, si on se fie aux résultats d'une recherche sur l'hyperactivité chez les enfants de trois ans et moins.

 

L'enquête a été effectuée par Marsha Rappley, de l'Université du Michigan. Rapportée il y a quelques semaines par le New Scientist, elle révèle en effet une toute nouvelle réalité: à l'heure actuelle, des bébés sont diagnostiqués hyperactifs et soumis à une médication dont ni l'efficacité ni l'impact sur le développement ne sont connus.

La chercheure en médecine s'interrogeait sur les pratiques en cours pour traiter l'hyperactivité chez les enfants en bas âge. En examinant les dossiers médicaux du Medicaid -le service d'assurance-maladie- de l'État du Michigan, l'équipe de Marsha Rappley a eu la surprise de découvrir 223 enfants de trois ans et moins diagnostiqués hyperactifs: plus précisément, ce que les psychiatres appellent le trouble déficitaire de l'attention (en anglais: ADHD, Attention déficit and hyperactivity disorder).

Ça ne s'est pas arrêté là: plus de la moitié de ces bambins, soit 57 %, étaient sous médication. Moins du tiers, soit 27 %, étaient suivis par un psychologue. Plusieurs éprouvaient également des retards de développement, du langage et des habiletés cognitives en général, ainsi que des problèmes de santé (diabète, asthme, autres maladies chroniques).

En tout, les médecins avaient prescrit 22 médicaments à ces enfants, pour l'équivalent de 30 combinaisons différentes. Et le tiers de ces enfants prenait deux à trois médicaments différents chaque jour.


Une maladie qui reste à prouver

Tout cela est d'autant plus étonnant que même la définition d'hyperactivité ne fait pas consensus parmi la communauté scientifique!

C'est que l'ADHD regroupe un ensemble de troubles, le plus souvent caractérisés par un déficit de l'attention, qui provoquent diverses perturbations du comportement, dont on n'est pas trop sûr s'ils ont une cause physique, psychologique, ou un mélange des deux. La cause physique pourrait être le résultat d'un manque de neurotransmetteurs, des substances chimiques parmi lesquelles on compte la dopamine; cette absence altérerait le fonctionnement de la zone du cerveau responsable du contrôle de certains comportements. Le ritalin, le traitement le plus souvent prescrit, a précisément pour fonction de stimuler la production de ces substances.

Résultat espéré: un comportement dit "normal", qui se vérifie par une capacité de concentration accrue et, en conséquence... de meilleurs résultats scolaires.

Or, il n'y a pas consensus là non plus. Selon le rapport d'un comité d'experts du NIH (National Institutes of Health), aux États-Unis, publié l'an dernier, il n'existerait aucune preuve d'un impact positif. La performance académique (pas plus que les habiletés sociales, d'ailleurs) des enfants hyperactifs demeurerait généralement en deça de la moyenne, ritalin ou pas ritalin.

Tout récemment, les Archives of General Psychiatry, faisaient écho à la thèse exactement inverse: le ritalin aurait plus d'effets bénéfiques sur les enfants hyperactifs avec trouble déficitaire de l'attention que la thérapie dite comportementale (behavioriste). De quoi, estimaient les analystes, convaincre les parents encore réticents.


Trois ans: l'âge du diagnostic

Cette absence de consensus, vient donc de nous apprendre l'étude de l'Université du Michigan, n'empêche pas de diagnostiquer et traiter les enfants de plus en plus jeune. Un bambin de deux ans peut-il vraiment être diagnostiqué hyperactif? Interrogé à ce sujet par l'Agence Science-Presse, le pédopsychiatre montréalais Claude Jolicoeur répond que les enfants diagnostiqués hyperactifs présentent des signes de ce trouble dès leur plus jeune âge. Ce sont des bébés qui, par exemple, "se mettent soudainement à marcher, à courir, à grimper partout; qui, à deux ans, se réveillent aux 5 minutes pendant la nuit; qui détestent se faire prendre."

Selon le médecin, aucun diagnostic ne peut toutefois être posé avant que l'enfant n'ait été exposé à la contrainte pendant un certain laps de temps. Or, les contraintes sont beaucoup plus nombreuses dans un contexte de groupe, comme la garderie et l'école, qu'à la maison avec maman pour soi tout seul. Comme les enfants sont, aujourd'hui, socialisés beaucoup plus tôt qu'auparavant, on peut présumer qu'ils seront dépistés plus tôt. D'où l'augmentation sensible des prescriptions de ritalin qui a déclenché une polémique ces dernières années.

Mais à partir de quel âge, et selon quels critères, prend-on la décision de médicamenter un bambin? Parfois aussi tôt que trois ans, mais uniquement pour des cas extrêmes, d'après le Dr Jolicoeur. C'est-à-dire? "Si l'enfant est en danger, met sa vie ou la vie des autres en danger, s'il est violenté à la maison, s'il est une petite peste épouvantable qui est à la veille de créer un divorce... J'ai le choix entre appeler les services de protection de la jeunesse et détruire le noyau familial ou donner une médication."

La décision de médicamenter un enfant, en combinant le traitement à une thérapie, demeure essentiellement une question de compassion humaine, selon le pédopsychiatre. "À trois ou quatre ans, l'enfant devrait avoir atteint un niveau de maturité qui lui permette de composer avec la contrainte. À 5 ans, il est en maternelle. À six ans, en première année. Pourquoi le mettre en situation d'échec? C'est une souffrance gratuite."

Entre 3 et 5 % des enfants seraient atteints d'hyperactivité, dont une plus forte proportion de garçons. Mais bien malin qui pourra dire combien on compte de bambins parmi eux...


Recherche et rédaction: Julie Calvé

 

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