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La vérité est ailleurs
Qui dit vrai? Les Européens inquiets ou les Nord-américains
indifférents? Bien malin qui pourrait trancher. Mais il y a plus
important encore: comment expliquer qu'à l'heure d'Internet, "l'accueil"
réservé aux aliments transgéniques ait été
si coloré en Europe et si quelconque outre-Atlantique?
Les Européens sont en effet souvent étonnés d'apprendre
quelle réaction ont les Américains, et vice-versa: sur le
Vieux continent, une inquiétude que vient relancer la moindre rumeur,
des controverses à n'en plus finir,
une opinion publique qui réclame à hauts cris des études,
un moratoire, voire un interdit. En Amérique à l'inverse,
des médias indifférents, des groupes de pression inexistants
et une opinion publique désintéressée. Qu'est-ce qui
peut expliquer pareil écart?
Aux Etats-Unis, ils sont nombreux, en particulier dans l'industrie des
biotechnologies, à se poser cette question, et à craindre
que l'inquiétude européenne ne finisse par gagner l'opinion
publique de chez eux -ce qui pourrait s'avérer désastreux
pour leurs affaires. Aussi, c'est avec intérêt qu'ils considéreront
cette semaine ce que trois chercheurs britanniques ont à leur dire:
ils proposent dans la revue Science une
revue d'études et d'articles de presse publiées depuis trois
ans sur cette question.
Ils prennent bien soin de souligner qu'il n'y a pas de réponse
simple: dans certains cas, la réaction plus vive en Europe "reflète
des sensibilités culturelles plus profondes, non pas seulement à
l'égard des aliments et des nouvelles technologies de l'alimentation,
mais aussi à l'égard de l'agriculture et de l'environnement".
En revanche, ils soulignent plusieurs différences et en tirent
des conclusions parfois très personnelles. Par exemple, en examinant
deux études, l'une menée en octobre 1996 dans l'Union européenne,
l'autre près d'un an plus tard aux Etats-Unis, toutes deux avec sensiblement
les mêmes questions (croyez-vous que telle et telle technologie (manipulations
génétiques en médecine, en agriculture, en alimentation
et dans le domaine des xénotransplantations ou transplantations à
l'humain d'organes animaux) soit utile, risquée, moralement acceptable,
etc.). De part et d'autres de l'Atlantique, l'utilisation des manipulations
génétiques en médecine reçoit le plus haut niveau
d'appui, celui-ci étant même plus élevé aux Etats-Unis.
Ces mêmes Américains, par contre, se montrent majoritairement
opposés aux "manips" pour les xénotransplantations.
Un sujet moins "vendeur"?
Tout aussi révélateur -et les chercheurs ne manquent pas
de s'en servir par la suite comme fil conducteur- est le fait qu'en ces
années 1996-97, 19% des Américains se montrèrent incapables
de répondre à l'ensemble des questions, contre 27% des Européens.
Les chercheurs en concluent que ces derniers étaient moins "familiers"
que leurs cousins à l'égard des biotechnologies -et ceci pourrait
expliquer, avancent-ils discrètement, la plus grande méfiance
des Européens. La peur née de l'ignorance, quoi.
Les vilains journalistes sont aussi pointés du doigt: entre 1984
et 1991, souligne-t-on, la couverture médiatique suit une trajectoire
similaire des deux côtés de l'Atlantique. En revanche, à
partir de 1991, la quantité d'articles consacrée aux biotechnologies
augmente en flèche du côté européen. Conclusion:
c'est la faute aux médias. C.Q.F.D.
A point nommé
En fait, cette étude arrive à point nommé pour appuyer
ce numéro spécial de Science sur l'état de la
situation des biotechnologies dans le domaine agro-alimentaire. Entre une
étude sur les cultures transgéniques qui, dit-on, se devraient
maintenant d'aller s'implanter dans les pays du Sud, et une autre sur
la manipulation
des "micronutriments" à l'échelle génétique,
au bénéfice, cela va sans dire, de la santé humaine,
s'ajoute un article d'opinion qui prend résolument la défense
des aliments transgéniques, les plaçant dans le contexte plus
large de la "révolution verte" et les présentant
comme quelque chose qui ne pourra qu'être profitable aux consommateurs
-particulièrement dans les pays frappés par la famine ou les
mauvaises récoltes. Pour le vice-président aux projets spéciaux
de la Banque mondiale, Ismaïl Serageldin, qui signe cet article, il
ne fait aucun doute que les biotechnologies seront la clef de la "sécurité
alimentaire" au prochain siècle.
Même l'éditorial
de Science s'en mêle, lui qui demande carrément de "combattre
la peur". Il faut dire que l'éditorialiste invité, Roger
N. Beachy, est président d'un renommé centre d'étude
des végétaux, très engagé dans le domaine des
manipulations génétiques. Il ne manque pas lui aussi de souligner
les bénéfices -par exemple, des plantes "modifiées"
qui se révèlent résistantes aux insecticides- et le
fait qu'en 1999, plus de 40% du maïs et 50% du coton produits aux Etats-Unis
seront le résultat de plants modifiés génétiquement.
Il s'en prend à "l'hystérie" qui, en Europe, menacerait,
dit-il, d'ébranler la "confiance du public". Et il s'en
prend lui aussi aux médias, "qui enflamment plutôt qu'informent"
-d'où la nécessité pour les scientifiques de s'impliquer
dans le débat plutôt que de se tenir en retrait.
Mais aussi lié à l'industrie que puisse être cet
auteur, la position de Science est tout aussi nette: les aliments
transgéniques, lit-on en introduction à ce numéro,
constituent une révolution, celle-ci
est d'ores et déjà en marche, et rien ne pourra l'arrêter.
Pour le meilleur et pour le pire.
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