En manchettes la semaine dernière:
Un grand pas en arrière pour l'humanité
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Par les anneaux de Neptune!
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Le grand pas en arrière -y a quelqu'un?
Le grand pas en arrière accompli par l'Etat du Kansas, dont
nous parlions la semaine dernière, a
fait sursauter le reste du monde, et -Dieu merci- une partie des Etats-Unis.
Mais un petit tour sur Internet révèle que bien peu de décideurs
américains s'en étaient préoccupés à
haute voix avant qu'il ne soit trop tard.
Le Bureau du tourisme de l'Etat du Kansas aurait sûrement souhaité
avoir une meilleure publicité. Le Times de Londres, parmi
d'autres, parle
de ces étranges américains, chez qui les autorités
responsables de l'éducation peuvent effacer -tout au moins, dans
l'Etat du Kansas- toute notion d'évolution -y compris le Big Bang!-
de tous les examens de scolaires. Gênant. Et jusqu'à l'aussi
prestigieuse qu'internationale revue Science qui met l'accent sur la vision
tordue qu'ont de la science ces gens. Avant de donner la parole à
une foule d'intervenants de l'éducation, des six présidents
d'universités et de collèges jusqu'au gouverneur de l'Etat,
qui font part de leur indignation. "Un recul d'un siècle";
"une solution terrible, tragique, embarrassante, à un problème
qui n'existait pas".
"Les changements que le Kansas tente de faire sont les plus étendus
que nous ayons jamais vus", déclare au Times la porte-parole
du National Centre for Science Education.
Le problème avec tous ces intervenants, c'est qu'on peut se demander
où ils étaient depuis six mois, alors que l'intention du comité
d'Etat sur l'éducation de voter sur cette question était largement
connue.
Par exemple, une petite visite à la section Enseignement
des sciences de notre Bibliothèque révèle des groupes
directement concernés par ce débat. Or, sur leurs sites web,
c'est le silence total: le National Science Institute for Science Education,
co-géré par la National Science Foundation, principal organisme
subventionnaire américain, qui proclame avoir pour mission de "s'attaquer
à l'absence de culture scientifique qui sévit aux États-Unis"
ne disait pas un seul mot du Kansas au moment où nous l'avons visité.
En fait, il n'avait pas dit un seul mot depuis mai 1999.
Silence total aussi avec CoVis, autre site lié au monde de la
recherche et des universités et voué à la promotion
de la culture scientifique.
Remontons d'un cran et considérons la section plus large Science - Associations et organismes. Sur
le site de la Union of Concerned Scientists, on ne semble pas très
"concerned" (préoccupé) par le débat.
Tout de même: la National Science Teachers Association (NSTA),
elle, a émis un
communiqué le 13 août. II faut dire que c'est cette association
qui s'était impliquée dans le débat en
avril 1998 avec la publication d'un courageux document, Teaching
Evolution. Mais celui-ci s'adressait aux professeurs, et non au grand
public: il avait pour but premier de donner des éléments de
réponse à ceux qui se retrouvaient confrontés en classe
au débat "évolution vs. création"... ou à
ceux qui, car il y en a, avaient carrément décidé de
ne plus parler d'évolution en classe, en raison du nombre croissant
de maux de tête que cela leur causait (parents opposés, élèves
méfiants, etc.)
On peut lire dans ce communiqué du 13 août: "Il est
clair que la bataille pour éduquer les enfants aux sciences reste
encore à gagner." On ne saurait mieux dire.
Car la vision des créationnistes, suivant laquelle l'évolution
est une théorie qui n'a jamais été prouvée et
devrait donc être traitée sur le même pied que la création
en six jours, gagne carrément du terrain. Bien que le dernier coup
d'éclat remonte à quatre ans -c'était la décision
de l'Alabama d'apposer sur tous les manuels de biologie un auto-collant
stipulant que "l'évolution est une théorie controversée"
parce que "personne n'était présent lorsque la première
forme de vie est apparue", les créationnistes n'ont pas chômé
depuis. En fait, la décision rendue au Kansas s'inscrit
dans une plus vaste stratégie, résume le magazine britannique
The New Scientist. Ils ont tenté dans les années 80
d'imposer dans les programmes scolaires un enseignement de l'évolution
sur un pied d'égalité avec la création et ils ont échoué
-entre autres, devant les tribunaux. Ils tentent donc maintenant d'exclure
toute référence à l'évolution et ils viennent
de remporter leur plus importante victoire. Les profs ne sont pas empêchés
de parler évolution, mais ils y perdent toute motivation, puisque
celle-ci sera exclue des examens de fin d'année, à tous les
niveaux. Ni australopithèques, ni évolution géologique
étalée sur des millions d'années, ni évolution
cosmique.
Et la stratégie ne prendra pas fin au Kansas: outre l'Alabama
et de ses auto-collants, au Texas, la partie "conservatrice" du
comité d'Etat sur l'éducation insiste beaucoup pour que soit
adopté un manuel de biologie qui ne parle pratiquement pas d'évolution;
en Californie, en Ohio, au Michigan et en Virginie, constate le Kansas City
Star dans une
éclairante mise en contexte, des groupes de chrétiens
conservateur s'approprient des représentations de plus en plus pesantes
dans les comités d'Etat sur l'éducation et dans les comités
locaux. La plupart ne cachent pas leur volonté d'intervenir dans
ce que l'école enseigne à leurs enfants.
Mais dès lors qu'on sait que ce débat dure depuis des décennies,
on s'étonne encore plus que si peu de gens aient travaillé
sur l'éducation populaire, la vulgarisation, l'explication des fondements
de l'évolution, la clarification de notions telles que "preuves",
"théorie", "méthode scientifique".
Dans son communiqué, la NSTA encourage enseignants et scientifiques
à s'impliquer davantage dans leurs communautés. Jusqu'à
l'Union géophysique américaine qui s'est réveillée
et suggère à ses membres de s'intéresser à ce
qui se passe au niveau politique régional. Il faut dire que ce n'est
pas tous les jours que ces distingués experts apprennent que leurs
contemporains croient que le Grand Canyon s'est formé en quelques
heures, des suites d'une éruption volcanique... |