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Un grand pas en arrière pour l'humanité
Au commencement, Dieu créa le ciel et la Terre.... Et ce "commencement"
aurait eu lieu il y a 6000 ans. Voilà ce que, désormais, les
étudiants en biologie du Kansas pourront apprendre. Et pas seulement
eux.
Ils l'ont fait: après des années de luttes acharnées
contre la "théorie diabolique" de l'évolution, les
militants religieux de l'Etat du Kansas, dans le sud-ouest des Etats-Unis,
ont gagné. Par six voix contre quatre, le 11 août, le comité
d'Etat sur l'éducation a
radié des examens scolaires toute référence à
Darwin et à l'évolution des espèces. "C'est
un pas en avant", s'est réjoui Scott Hill, agriculteur et membre
du comité, qui a de plus contribué, avec 26 autres citoyens,
à la rédaction des nouvelles règles qui seront communiquées
aux professeurs de science. "Nous allons améliorer l'enseignement
des sciences au Kansas."
Les professeurs en question ne se voient pas interdire de parler d'évolution.
Ils se voient plutôt encouragés à enseigner "la
théorie de leur choix" -celle de la Bible, le "créationnisme",
ou celle de la science. Ou même ne pas en parler du tout: comme il
n'y aura plus aucune question sur l'évolution dans les examens de
fin d'année, plusieurs professeurs préféreront
en effet éviter de parler de cette question, qui leur vaut déjà
bien des maux de tête -protestations de parents, ou même d'élèves.
Et d'autres enseignants, qui partagent la vision des ultraconservateurs,
pourront en profiter pour faire valoir cette vision dans leurs cours. Le
New York Times (article inaccessible gratuitement)
rapporte que déjà, certains
conseils scolaires ont fait valoir leur intention d'adopter des textes créationnistes,
à insérer parmi les textes à lire en classe.
Un siècle en avant, deux siècles en arrière
Ainsi, au Kansas, dans 12 ans, un étudiant entrant à l'université
(la nouvelle réglementation vaut pour tout le cursus scolaire, de
la 1ere à la 12e année) pourrait
n'avoir jamais entendu parler de l'évolution, "ou bien,
souligne Libération, croire tout aussi légitimement
que Dieu a créé l'homme blanc à son image et que les
Noirs sont noirs parce qu'ils sont maudits..."
Et les ultra-conservateurs n'ont pas l'intention de s'arrêter là:
depuis les années 80, ils mènent une lutte à finir.
Ils ont tenté d'effacer l'évolution des manuels scolaires
d'Alabama, d'Arizona, de Georgie et du Nebraska, entre autres; en 1982,
ils ont tenté sans succès d'inscrire dans le programme scolaire
de l'Arkansas et de la Louisiane l'enseignement du créationnisme.
Des réglementations similaires à celle du Kansas sont à
l'étude en Georgie et en Ohio. En 1997, un projet de loi a été
sérieusement étudié au Texas, qui aurait conduit à
retirer des écoles tous les livres de biologie faisant mention de
l'évolution. Le projet a été rejeté par le comité
d'Etat sur l'éducation... par une faible majorité. La même
année, les créationnistes parvenaient, en Alabama, à
ce qu'un avertissement aux élèves soit inclus sur chaque manuel
de biologie, stipulant que l'évolution n'est qu'une "théorie
controversée que certains scientifiques présentent comme une
explication pour l'origine de la vie", et qu'elle doit donc être
traitée sur un pied d'égalité avec "les autres
théories" -entendre par là, la Création en six
jours, telle que décrite dans la Bible.
La lutte est d'autant moins terminée qu'à l'heure actuelle,
s'il faut en croire une journaliste scientifique du Time, un
énorme 50% des Américains n'accepteraient pas la théorie
de l'évolution.
Pour Randy Moore, professeur de biologie à l'Université
de Louisville et rédacteur en chef du journal de l'Association nationale
des professeurs de biologie, le constat est sombre: "ça se passe
partout, et les créationnistes sont en train de gagner".
Dans un article publié à la Une de son édition du
dimanche 8 août, le Washington Post donne en ouverture la parole
à un professeur de biologie dans un "high school" du Kansas,
pour qui enseigner l'évolution à des élèves
qui prennent la Bible au pied de la lettre, "c'est
comme se taper la tête contre un mur de briques". Dans cette
petite ville de banlieue, plus du tiers de ses élèves ont
écrit l'an dernier dans leur évaluation de fin d'année
qu'ils ne croyaient pas un mot de ce que leur professeur avait dit sur l'évolution.
La quête de preuves
L'évolution
"est une tromperie", lance à Reuters Tom Willis, directeur
de l'Association du créationnisme scientifique pour la région
centrale des Etats-Unis, qui a lui aussi contribué à la rédaction
des nouvelles règles. "Vous ne pouvez pas aller en laboratoire
ou sur le terrain et fabriquer le premier poisson."
C'est là la base même de l'argument des Créationnistes:
puisque l'évolution ne peut être prouvée en laboratoire,
alors elle ne devrait pas être enseignée.
C'est ce même Tom Willis qui nie que le Grand Canyon ait pu être
créé par l'érosion pendant des millions d'années
-puisque, bien sûr, la Terre n'a été créée
qu'il n'y a que 6000 ans. C'est une éruption volcanique, dit-il,
qui a créé le Grand Canyon, et ce en quelques heures.
Car bien sûr, il n'y a pas que l'évolution de la vie qui
soit en cause. Si la notion d'évolution est fausse, cela s'applique
à tout le reste -y compris les planètes, les étoiles,
le cosmos. Et bien sûr, le Big Bang... qui vient lui aussi d'être
effacé des examens de fin d'année au Kansas!
Difficile de croire qu'on arrive à l'an 2000. Lorsqu'en 1859,
le naturaliste britannique Charles Darwin, de retour d'un voyage aux Iles
Galapagos, publia son ouvrage De l'origine des espèces, il
ne s'attendait certainement pas à ce que celui-ci soit accueilli
à bras ouverts. Mais lorsqu'en 1925, un professeur de sciences de
Dayton (Tennessee), John Scopes, se vit intenter un procès par l'Etat
pour avoir violé la loi en enseignant l'évolution à
ses élèves, le tollé fut tel qu'on crut la question
presque réglée.
La semaine dernière, six présidents d'universités
du Kansas ont décidé, mais un peu tard, de sortir de leur
réserve et envoyé une lettre de protestation à la présidente
du comité d'Etat sur l'éducation. Par de telles décisions,
on risque de régresser de 100 ans, s'indignent-ils; des élèves
ayant appris le créationnisme à l'école risquent d'avoir
de graves lacunes lors de la poursuite de leurs études. Ils rappellent
que "l'évolution (est) le plus important cadre théorique
des sciences de la vie, de la biologie moléculaire à l'écologie
et au-delà". Le gouverneur du Kansas, Bill Graves, avait menacé
les élus du comité sur l'éducation de les remplacer
par des fonctionnaires désignés par l'Etat, s'ils allaient
de l'avant avec leur décision. Mais avec autant de gens pour appuyer
le créationnisme, le geste du gouverneur pourrait fort bien être
décrié comme "anti-démocratique"... et augmenter
encore plus l'appui au créationnisme.
Aux dernières nouvelles, les créationnistes n'ont pas dit
s'il fallait retirer des écoles l'enseignement de l'électron
et du proton, qui n'ont eux non plus jamais été observés
directement... Ils n'ont pas parlé non plus de retirer des écoles
les livres d'histoire, qui racontent tout un tas de choses qu'aucune personne
vivante n'a vues. Et surtout, ils ne se sont pas prononcés sur le
fait que l'ensemble de la communauté scientifique, sans restriction
de race ni de religion, appuie la "théorie" de l'évolution... |