En manchettes la semaine dernière:
La lune humide
A lire également cette semaine:
Combien de temps reste-t-il à Mars?
La musique de 9 milliers d'années
Le virus impérial contre-attaque
Foetus en réparation
L'ordinateur qui n'oubliera
pas
Et plus encore...
Archives des manchettes

LE KIOSQUE
Pour être branché sur la science
Notre nouvelle section:
Capsules québécoises
Qui sommes-nous?

Retour à
la page d'accueil

En manchettes sur le Net est
une production Agence Science-Presse
 |
Devenir maman à 70 ans
Les reportages qui en ont fait mention la semaine dernière
l'ont décrit comme la plus grande percée dans le domaine de
la reproduction, depuis les premiers bébés-éprouvette,
il y a 21 ans. Quant à savoir si c'est une percée pour les
bébés, ça, c'est une autre histoire...
C'est, littéralement, la possibilité de faire reculer l'âge
au-delà duquel une femme ne peut plus avoir d'enfants. C'est la possibilité,
pour une femme qui aurait normalement amorcé sa ménopause,
de produire à nouveau des ovules. En d'autres termes, désormais,
il n'y aurait plus seulement les hommes qui seraient capables d'avoir des
bébés à 70 ans.
Des médecins américains et britanniques ont en effet annoncé
la semaine dernière avoir développé une "technique
révolutionnaire" permettant de faire reculer les frontières
de la ménopause. Au cours d'une opération chirurgicale qui
a eu lieu à New York en février, un
fragment d'ovaire a été greffé à l'ovaire
endommagé d'une femme de 30 ans, Margaret Lloyd-Hart, de l'Arizona,
lui permettant du même coup de recouvrer sa fertilité.
Les ovaires, au nombre de deux, produisent les hormones sexuelles appelées
oestrogènes et progestérones et contiennent des cavités,
où se développent les ovules.
Comme en témoigne l'âge de la patiente, le traitement ne
s'adresserait donc pas seulement aux femmes ménopausées: en
fait, il viserait d'abord et avant tout celles qui sont en âge de
procréer et qui sont devenues stériles à la suite d'une
malformation ou d'un cancer. Mais c'est le recul de la ménopause
qui
a attiré toute l'attention.
Les détails ont été dévoilés dans
le cadre du congrès annuel de la Société américaine
de médecine de la reproduction, à Toronto, par l'auteur de
l'opération, le médecin américain Kutluk Oktay et le
Britannique Roger Gosden, de l'Université Leeds, qui a développé
la méthode permettant de préserver les tissus de l'ovaire.
L'ovaire "reconstruit" de Mme Loyd-Hart -le fragment greffé
était un fragment de son propre ovaire, prélevé des
années plus tôt- a ensuite été stimulé
par des hormones et a pu produire, récemment, son premier ovule.
La femme devrait maintenant avoir un cycle menstruel régulier et
produire en conséquence des ovules.
Il est impossible de dire pendant combien de temps elle pourra le faire,
pas plus qu'il n'est possible de dire si elle pourrait désormais
avoir bel et bien un enfant, pas plus qu'il n'est possible de dire non plus
de combien d'années cette technique pourrait faire reculer la ménopause:
une seule opération a été pratiquée jusqu'ici,
et une deuxième est en préparation.
Mais cette réussite démontre à elle seule que la
greffe d'un ovaire peut être utilisée pour restaurer la fertilité.
A peine l'annonce faite à Toronto, des
scientifiques se sont empressés de lancer un message de prudence:
cette technique ne devrait être utilisée que pour des femmes
devenues stériles à la suite d'une chirurgie ou de chimiothérapie,
et non pour aider des femmes plus âgées à avoir un enfant.
C'est également la mise en garde qu'a formulé le Dr Gosden,
51 ans, alors que se multipliaient dans les médias les hypothèses
inquiétantes, du genre de celle-ci: ce succès ouvre la porte
à des "ventes d'ovaires"; on imagine en effet très
bien de jeunes femmes vendre à prix d'or un ovaire, ou du tissu d'ovaire,
pour des femmes plus âgées...
"Notre but n'est certainement pas de renverser la ménopause",
s'est empressé de déclarer le Dr Gosden, dont le Dr Oktay
fut un des assistants de recherche.
Un débat éthique va certainement s'engager, entre autres
en Grande-Bretagne, où on vient de s'apercevoir que la greffe d'ovaire
échappe à la juridiction sur les nouvelles technologies de
reproduction, puisque la loi ne parle que d'ovules et de spermatozoïdes...
La Grande-Bretagne, où le Dr Gosden est également au centre
d'une controverse, qu'il espère fuir en venant travailler au Canada.
C'est que le
débat éthique va avoir lieu sur deux plans: d'abord, sur
l'âge au-delà duquel une femme serait trop âgée
pour élever un enfant -un débat qui, ce sera sûrement
souligné, n'a pratiquement jamais été soulevé,
quand il s'agit du père.
Ensuite, sur l'utilisation de tissus du foetus pour restaurer la fertilité
-puisque les tissus d'ovaire pourraient fort bien être prélevés
sur un foetus avorté, par exemple. Or, le Dr Gosden avait justement
proposé cette idée en 1994. La proposition avait soulevé
un tollé qui était monté jusqu'au Parlement, et avait
conduit à une motion faisant de toute recherche sur la greffe de
tissus d'ovaires prélevés sur un foetus un acte criminel.
C'est cet événement, doublé de l'attitude de plus
en plus fermée du gouvernement britannique à l'égard
du clonage et des aliments transgéniques, qui a conduit le Dr Gosden
à annoncer officiellement la semaine dernière, à peine
dévoilé le succès de l'opération à New
York, qu'il quittait la Grande-Bretagne, pour venir poursuivre ses travaux
à l'hôpital Royal Victoria de Université McGill à
Montréal, Canada. "Ce n'est plus facile d'être un scientifique
en Grande-Bretagne", soutient-il.
Celui qui assure que le recul de la ménopause n'est pas une priorité
n'en est pas moins l'auteur d'un ouvrage de vulgarisation sur la médecine
de la reproduction publié il y a trois ans, intitulé Cheating
Time. Il est également auteur d'un autre ouvrage de vulgarisation
dans le même domaine intitulé, celui-là, Designing
babies.
Après avoir salué Charlie Chaplin et Yves Montand, devenus
papas à 70 ans passés, qui saluerons-nous, bientôt? |