Inscrits dans la géographie du Québec moderne, les grands barrages ont un impact sur la biodiversité et le paysage. La gestion de ces incontournables pourvoyeurs d’électricité affecterait même les fluctuations naturelles des cours d’eau. « Quarante pour cent des barrages d’Hydro-Québec influencent le cycle naturel des cours d’eau provoquant une inversion du débit entre l’hiver et le printemps », soutient même Ali A. Assani professeur au département de géographie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

Le spécialiste de la géomorphologie fluviale étudie depuis des années les impacts des barrages hydroélectriques sur l’environnement. Il donnait une conférence sur ces récents travaux au colloque « Au cœur de la géographie » qui se déroulait il y a quelques semaines à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).

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À la Manic

La Manicouagan, La Grande... L’ensemble des réservoirs gérés par Hydro-Québec représentait en 2002 une surface de près de 24 000 km2, dont près de la moitié pour le seul complexe La Grande.

La construction de grands barrages a souvent suscité des débats au sein des communautés locales, particulièrement chez les Amérindiens (voir encadré). La création d’immenses réservoirs engendre souvent des déplacements de population et de nombreux problèmes environnementaux.

Ces perturbations se ressentent au sein même du cours d’eau. Ainsi, comme les demandes d’énergie sont en hausse l’hiver, les aménagements hydroélectriques augmentent le débit d’eau puis le réduisent au printemps lorsque la demande est plus faible. Cette gestion planifiée modifie le débit en aval des rivières. Ainsi, il n’est pas rare que le débit printanier soit bien en dessous de celui de l’hiver, ce qui l’inverse du processus naturel.

En altérant ainsi le processus naturel d’inondation des terres au printemps, les barrages ont des répercussions sur les besoins biologiques des marais et des estuaires. Le chercheur relève trois modes d’impact : l’inversion du débit qui affecte les cours d’eau, celui qui le rend constant et un régime sans changement. « Le débit naturel varie suivant la saison, la température et les pluies. S’il est régulier tout au long de l’année, puis s’inverse en hiver et au printemps, ce n’est pas sans occasionner des perturbations écologiques », soutient-il. Nos besoins en électricité — et donc en débit d’eau constant et plus considérable en hiver — empiètent sur les besoins des écosystèmes.

Améliorer la protection

Malgré la présence de nombreux barrages au Québec, aucune étude ne s’était encore penchée sur le respect des normes de débits réservés écologiques – adoptées par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune en 1999 — en aval des barrages. Cette mesure importante vise pourtant à protéger les espèces de poissons et la qualité de l’eau.

Les travaux du professeur Assani et de son équipe démontrent que le mode actuel de gestion s’avère inadéquat et les normes ne peuvent pas être applicables. « Elles ont été élaborées à partir de modèles fondés sur les rivières naturelles », soulève-t-il. Il serait donc temps de les réviser pour tenter d’améliorer la protection des milieux humides.

L’équipe de recherche étudiera cette année les impacts des barrages sur la biodiversité des cours d’eau. « Les espèces moins compétitives sont sûrement celles qui ont le plus de mal à s’adapter. C’est ce que nous allons vérifier », explique-t-il. Il est nécessaire de les quantifier afin de vérifier quelles espèces des milieux humides souffrent des infrastructures hydroélectriques et de leur gestion. Beaucoup de travail en vue pour les prochaines années!

image: www.freeimages.co.uk

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