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Sommes-nous dans une nouvelle ère, appelée anthropocène ? Plus tôt ce mois-ci, un comité de géologues chargé de trancher la question a refusé la définition qui était sur la table, mettant fin à un débat de 15 ans. La décision a fait grand bruit dans la presse spécialisée, au risque de masquer une réalité: l’humain a un impact, que la définition plaise ou non.

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C’était censé être, au départ, un débat pointu d’experts: dans le jargon des géologues, nous sommes dans une ère appelée l’Holocène depuis en gros le début du recul des glaciers, il y a 11 à 12 000 ans. Et depuis une quinzaine d’années, des experts en géologie et en stratigraphie (la science qui étudie les différentes couches géologiques, ou strates) proposaient d’appeler notre époque « anthropocène », compte tenu qu’au cours du 20e siècle, l’humain a commencé à laisser sur sa planète une empreinte qui va rester visible pendant des millions d’années. 

Sauf que dans le processus, le débat a débordé bien au-delà de la géologie. Anthropocène est devenu un concept utilisé dans les sciences de la vie et les sciences sociales, en plus de films et de livres pour le grand public. Des tas de gens ont tant et si bien pris pour acquis que le débat pointu était réglé, que la décision de la Commission internationale de stratigraphie, révélée le 5 mars par le New York Times, a créé une controverse —phénomène inhabituel pour un organisme dont à peu près personne n’avait entendu parler jusque-là. 

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« Les mesures, c’est bien, mais elles ne devraient pas nous distraire du fait que l’humain altère les systèmes de la Terre », commente un éditorial de la revue Nature paru le 20 mars.

« La difficulté, c’est que le concept a pris son envol, pendant que les géologues étaient bloqués dans une discussion sur comment l’anthropocène devrait être mesuré, et à quel moment a-t-il commencé », poursuit l’éditorial. L’inquiétude à présent, c’est donc « qu’un rejet de cette proposition conduise à la perception que les scientifiques doutent de l’existence d’une empreinte humaine sur les changements globaux. »

La Commission internationale de stratigraphie, un groupe qui relève de l’Union internationale des sciences géologiques, avait créé en 2016 le Groupe de travail sur l’anthropocène. Celui-ci a publié en 2023 ses recommandations comme quoi, entre autres choses, le lac Crawford, en Ontario, devrait être un marqueur de ce changement d’ère. Ce sont ces recommandations qui ont été rejetées par la Commission plus tôt ce mois-ci, par un vote de 12 contre 4. Le 20 mars, les administrateurs de l’Union internationale des sciences géologiques approuvaient à l’unanimité la décision de leur commission. 

Mais ce n’est pas parce que les géologues n’en veulent pas que le terme va disparaître de l’usage courant, commentait dans Nature, le 14 mars, l’écologiste britannique Chris Thomas. Le terme renvoie à l’idée que les humains font partie de la planète et de ses processus. « Cela contribue à nous éloigner de la notion voulant que l’humanité serait à part du reste de la nature et des systèmes naturels. » La connexion ne peut pas être rompue: « les changements sont partout ». 

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