MALMÖ - Une encyclopédie « wiki » pourrait-elle produire des articles de meilleure qualité qu’une encyclopédie classique? L’un des co-fondateurs de Wikipédia, qui a pourtant abandonné le navire, y croit fermement. Il a même inventé une expression : la « collaboration radicale », à ses yeux plus riche en potentiel que la collaboration classique sur laquelle s’appuie la science depuis des générations.

Mais il y a un gros mais : il faudrait que les scientifiques soient prêts à sacrifier leur ego. Ce qui n’est pas évident du tout, admet Larry Sanger, dont la nouvelle création, Citizendium, lancée en décembre 2006, se veut un Wikipédia davantage contrôlé : les auteurs sont sélectionnés pour leur expertise. Mais le principe de base demeure : quiconque en a reçu l’autorisation peut écrire et modifier les textes des autres —dur, pour l’ego de celui habitué à voir son nom en haut d’un article!

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« Je suis convaincu que cela fait partie de notre futur », est venu dire Sanger dans le cadre d’un congrès scientifique consacré à la communication des sciences, Public Communication of Science and Technology, qui avait lieu cette semaine à Malmö, en Suède. Mais, poursuit-il, du chemin reste encore à faire.

Les scientifiques sont pourtant nombreux à s’intéresser aux wikis et à lui demander conseil pour en créer. Mais ils veulent que les auteurs soient clairement identifiés, que la collaboration soit restreinte, et qu’il y ait un auteur principal. « Je pense qu’ils sont mêlés », ironise Larry Sanger. Ils veulent en effet reproduire le modèle de collaboration qu’ils ont toujours connu, alors que le wiki implique un renversement de perspective : un minimum de contrôle certes, comme avec Citizendium, mais aucun auteur qui ne soit supérieur aux autres, pas de droits de propriété sur un article, et rien de ce prestige associé à une publication scientifique...

Quel avantages reste-t-il? Des articles plus neutres que ceux écrits par une seule personne, plus longs parce qu’ils parlent de davantage de choses, et plus équitables dans leur présentation des visions divergentes. Ce sont ces facteurs qui amènent Sanger —un philosophe de formation— à croire que, dans le domaine encyclopédique, cette forme de « collaboration radicale » puisse conduire à de meilleurs articles.

Et à leur insu, les scientifiques auraient déjà commencé à en faire : ces dernières années, des « collaborations ouvertes », c’est-à-dire où toutes les données sont partagées, sans domination d’un auteur sur les autres, ont conduit à de beaux succès, comme le décodage ultra-rapide du génome du SRAS. Par ailleurs, des dizaines de milliers de scientifiques se sont affichés en faveur de l’accès gratuit aux publications scientifiques.

La question n’est donc plus de savoir si la science devrait être davantage « collaborative » : elle l’est de plus en plus. La question est plutôt de savoir jusqu’où les scientifiques sont prêts à aller.

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