On aurait pu croire la nouvelle taillée sur mesure pour les mouvements altermondialistes : une étude qui établit une corrélation entre la hausse de la tuberculose en Europe de l’Est et les politiques du Fonds monétaire international (FMI).

Les exigences financières du FMI conduisent en effet les gouvernements à réduire leurs dépenses en santé afin d’être admissibles aux prêts, expliquent David Stuckler, de l’Université Cambridge en Grande Bretagne, et ses collègues de l’Université Yale aux États-Unis, auteurs de la recherche parue la semaine dernière dans la revue PLoS Medicine. Et ces réductions des dépenses en santé ont des effets catastrophiques.

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Le FMI s’est empressé de protester, affirmant que les pays de l’ancien bloc communiste seraient en bien pire situation s’ils n’avaient pas pu avoir ces prêts. « La tuberculose est une maladie qui met du temps à se développer », a expliqué le porte-parole William Murray, alors cette hausse du taux de mortalité peut être liée à quelque chose qui s’est produit avant le financement du FMI. » Autrement dit, les pays admissibles à un prêt étaient déjà les plus mal en point, donc les plus susceptibles de voir resurgir la tuberculose chez eux.

Car la tuberculose, que l’on croyait presque éradiquée dans les années 1980, a effectué un retour dans plusieurs coins du globe dans les années 1990. Et l’ancienne URSS a indéniablement souffert de la chute du communisme : le taux de mortalité y est passé de 6,2 pour 100 000 en 1991 à 13,3 pour 100 000 en 2002. Par contre, dans les ex-pays communistes d’Europe de l’Est, le taux de mortalité a diminué pendant la même période.

Alors que dit l'étude sur la tuberculose? Dans les 21 pays étudiés, tous de l’Europe de l’Est, incluant ceux de l’ancienne URSS, et tous après la chute du Mur de Berlin, entre 1989 et 2005, tous sauf un (la Slovénie) ont eu droit à un prêt du FMI. En moyenne, on assiste alors à une hausse de 13,9% des nouveaux cas de tuberculose chaque année, et à une hausse moyenne de 16,6% des décès causés par la tuberculose. En chiffres absolus, cela se traduit par des centaines de milliers de tuberculeux supplémentaires.

L’un des auteurs réfute l’argument du FMI voulant que la résurgence de la tuberculose soit quelque chose de lent, mais il ne souligne que les cas de décès : « le taux de mortalité par la tuberculose est une conséquence très rapide des changements sociaux. Si vous fermez un hôpital, les gens qui avaient déjà la tuberculose vont mourir, et ils vont mourir très vite. »

Les auteurs affirment avoir tenu compte des autres facteurs qui peuvent affecter le taux de tuberculose, comme la prévalence de sida, l’urbanisation ou le taux de chômage. « Lorsque vous avez une seule corrélation, vous haussez un sourcil, note David Struckler dans le New York Times . Mais lorsque vous en avez 20 qui pointent dans la même direction... »

Leur corrélation la plus étonnante : chaque augmentation de 1% de la dette à rembourser au FMI se traduirait par une augmentation de 0,9% du taux de mortalité. Et lorsque le pays a fini de payer sa dette, le taux de mortalité dégringole. Les pays de l’ex-URSS, plus mal en point, ont reçu de plus gros prêts que leurs voisins d’Europe de l’Est: les premiers ont mis en moyenne 10 ans à rembourser; les seconds, 5 ans et demi.

Pour ceux qui critiquent les politiques du FMI, cette étude est du bonbon : c’est pratiquement depuis la création du FMI (en 1945) qu’on lui attribue la responsabilité de coupes sombres dans les budgets de santé des pays qui ont reçu des prêts. « C’est ce que nous entendons de nos collègues en Afrique depuis des décennies », déclare dans le Scientific American Joanne Carter, directrice d’un groupe de Washington voué à l’avancement de l’éducation au Tiers-Monde.

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