Le réchauffement climatique s'invite jusque dans nos verres. On lui reproche d'altérer progressivement les propriétés des vins produits dans diverses régions du monde. Pour éviter les gros pépins avec nos raisins, des géographes-climatologues prennent le pouls de nos pieds de vigne. Dégustation.

Pour que les vignobles des prochaines décennies ne deviennent pas ignobles, des géographes-climatologues sillonnent le monde pour surveiller nos cépages et en font même leur spécialité.

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Hervé Quénol est un de ceux-là! Chercheur au laboratoire LETG de Nantes, il épie les plantations du Chili, d'Espagne, de France et prochainement de Bolivie et d'Argentine. « Le plus gros de mon travail consiste à installer des capteurs de température pour retranscrire le climat du vignoble, car les stations météorologiques nationales sont trop espacées », relève-t-il. Les données récoltées permettent ainsi d'établir des simulations sur de petites parcelles et aideront les vignerons à prendre des mesures pour pallier l'altération de leur production face aux conséquences du réchauffement planétaire. Bref, M. Quénol est un devin du vin!

Ainsi, en réponse aux données démontrant des signes avant-coureurs, les vignerons acceptent généralement de mettre de l'eau dans leur vin et adaptent leur production. En Afrique du Sud, pays dont les vignobles sont déjà touchés par les changements climatiques, les cultivateurs ont dû arracher les vignes exposées à la sécheresse et les planter, en quête de fraîcheur, à plus haute altitude. « On peut aussi faire des tailles différentes, mettre d'autres variétés de cépages. » Ces initiatives permettent d'adapter les vignes au nouveau climat et de conserver les caractéristiques du vin.

Heureusement, tout n'est pas noir. Certains vignobles, comme ceux du Val de Loire, ont été bonifiés dans la dernière décennie, grâce à une hausse de 1 C °! En effet, les zones plus « froides » ne sont généralement pas idéales pour la production de vin : les raisins mûrissent tardivement, ils sont plus acides et moins sucrés. Mais le réchauffement de ces secteurs crée peu à peu des conditions plus favorables à la production d'un vin meilleur, en provoquant l'accroissement des taux de sucre et d'alcool.

« Pour l'instant, c'est un avantage dans ces zones. Mais si dans 30 ou 50 ans, la température continue d'augmenter, cela s'annonce plus difficile, prévoit le chercheur. Mais il y a toujours moyen de s'adapter, je ne crois pas que certains vignobles soient appelés à disparaître. »

Le bon vin s'en vient

Et cette bonne nouvelle – même éphémère – concerne aussi la Belle province!

Charles-Henri de Coussergues, propriétaire du vignoble de l'Orpailleur, dans les Cantons de l'Est, peut en témoigner. Il a pris l'exploitation sous sa coupe en 1982.

Un quart de siècle plus tard, le vent a tourné. « Un minimum de 154 jours sans gel est nécessaire pour cultiver certaines variétés de vignes. Aujourd'hui, les gelées d'automne arrivent presque un mois plus tard et cela fait toute la différence », explique-t-il. Ainsi, depuis peu, le viticulteur peut produire du vin rouge, chose exclue il y a vingt ans.

Réchauffement planétaire ou simple cycle climatique? « Je ne me prononcerai pas, mais avec ces nouvelles conditions, les vins québécois ont changé qualitativement, c'est indéniable », assure M. de Coussergues. Le vin produit est meilleur, car les vignes sont plus matures et moins acides.

Pour l'instant, aucune donnée scientifique n'est recensée sur l'impact du climat sur le vin québécois. « Nos vignes ne sont pas très nombreuses ni très vieilles. On est encore en processus d'apprentissage », note Roger Chagnon, directeur de l'un des centres de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada au Québec. « Il est nécessaire que la production se stabilise avant de procéder à des études approfondies à ce sujet. »

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