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Dans le «Occupons Wall Street», qui dure depuis un mois, et qui fait des petits un peu partout en Amérique du Nord, il y a d’abord une colère face à l’économie et la politique. Mais la science n’est pas loin.

Thomas Friedman, dans une chronique intitulée «Something’s happening here» résume ce « something » par deux hypothèses:

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Lorsque vous observez des manifestations de protestation spontanées surgissant de la Tunisie à Tel-Aviv et jusqu’à Wall Street, il est clair que quelque chose est en train de se passer, à l’échelle mondiale, qui mérite définition. Il existe deux théories qui m’intriguent. L’une dit qu’il s’agit du début d’une grande perturbation (great disruption). L’autre dit que tout cela s’inscrit dans un grand changement (big shift).

La théorie du grand changement désigne quelque chose qui serait en cours depuis près de deux décennies: mises bout à bout, la mondialisation et la poussée des nouvelles technologies, en engendrant un flux planétaire d’idées et d’innovations, auraient créé de telles opportunités qu’elles permettraient désormais à quiconque de devenir du jour au lendemain un entrepreneur vendant ses idées ou ses produits à l’échelle mondiale.

Quant à la théorie de la grande perturbation, elle dit plutôt que cette poussée en avant a atteint ses limites, économiques et écologiques, et que nous nous approchons du point de rupture.

Friedman donne la parole à l’environnementaliste australien Paul Gilding, auteur du livre The Great Disruption :

Je regarde le monde comme un système intégré, ce qui fait que je ne vois pas ces protestations, ou la crise de la dette, ou les inégalités économiques, ou les bizarreries du climat, isolément. Je vois plutôt notre système engagé dans un pénible processus de rupture.

Et Friedman donne ensuite la parole au consultant John Hagel III qui, dans son livre The Power of Pull , privilégie plutôt une foi dans la technologie: le changement promis par nos nouveaux outils de communication n’en serait qu’au premier stade, ce qui se traduirait pour l’instant par une performance moindre et une inquiétude accrue «parce que nous continuons d’opérer avec des institutions et des pratiques qui sont de plus en plus dysfonctionnelles». D’où les protestations comme #occupyWallStreet. Mais, selon lui, encore un peu de patience, et tout ira pour le mieux.

Il faut dire que ce qui inquiète les partisans de cette vision optimiste, c’est la conclusion logique à laquelle conduit plutôt le raisonnement de Paul Gilding: si nous approchons vraiment d’un point de rupture, cela signifie qu’il faudra mettre fin à la croissance économique telle qu’elle a été définie depuis 50 ans:

La Grande perturbation a commencé en 2008, avec le prix des aliments et du pétrole atteignant des sommets, en plus de changements écologiques dramatiques, comme la fonte des calottes polaires. Ce n’est plus juste de carburants fossiles et d’empreinte de carbone dont on parle. Nous en sommes arrivés à la fin de Croissance économique version 1.0, une économie mondiale basée sur la consommation et le gaspillage, où nous avons vécu au-dessus des moyens de nos écosystèmes.

Difficile de trancher «scientifiquement» entre les deux auteurs, sauf pour faire remarquer que Hagel —l’optimiste en la technologie— a une grosse épine dans son pied: sa théorie ne dit rien sur ce qui pourrait freiner la marche vers un réchauffement climatique de plus en plus dangereux. Un «détail» sur lequel sautait cette semaine David Suzuki, dans une chronique où il appuie lui aussi —tout comme Al Gore, et l'éditeur d'OnEarth Magazine, et McKibben et d'autres— les manifestants de Wall Street:

Pourquoi notre système économique accorde-t-il une plus grande valeur à des biens jetables et souvent non indispensables, qu’à des choses dont nous avons vraiment besoin pour survivre, comme l’eau potable, l’air pur et un sol productif? Bien sûr, il y a une certaine contradiction à des protestataires portant des iPhone tout en se ralliant contre le système de consommation. Mais la question n’est pas juste de faire des changements et des sacrifices à notre vie personnelle; elle est de s’interroger sur notre place sur cette planète.
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