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Il y a 35 ans, une idée qui, à l’époque, avait pu paraître farfelue, allait germer parmi les médias québécois: une agence de presse spécialisée en science, destinée à alimenter les petits médias en nouvelles scientifiques.

Depuis sa fondation, l’Agence a bien changé : d’un service de nouvelles desservant l’ensemble des hebdos régionaux à ses débuts, elle est devenue, avec Internet, un imposant site d’informations scientifiques, rejoignant des centaines de milliers de passionnés chaque année, dont une importante proportion venant de France.

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Nous vous proposons d’ici au 22 novembre, jour de célébration des 35 ans, de passer en revue certains des bons coups… et d’autres curiosités.

Conférence de Montréal sur les changements climatiques

En 2005, c’était à Montréal qu’avait lieu la conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques. Le Protocole de Kyoto était finalement entré en vigueur en début d’année, grâce à la ratification de la Russie. Mais n’était-ce pas déjà trop peu trop tard? L’ambiance n’était pas à son meilleur à cette conférence de Montréal: les objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour 2012 étaient fort modestes.

Le Protocole de Kyoto n’était qu’une «première étape», n’avait-on eu de cesse de répéter, en vue de la «deuxième étape», plus ambitieuse, qu’on se promettait de mettre en place d’ici 2012. On connaît la suite...

Et s’ils abandonnaient Kyoto?

A trois semaines de la rencontre annuelle des Nations Unies sur le Protocole de Kyoto, qui a lieu cette fois à Montréal, une idée hérétique prend forme: faudra-t-il laisser tomber Kyoto?

Trois facteurs, du plus ancien au plus récent:

1. Le Protocole de Kyoto, signé en 1997, dit qu'en 2012, les émissions de gaz à effet de serre devront avoir diminué de 5% par rapport à leur niveau de 1990. Or, à l'heure actuelle, ces émissions ont augmenté de plus de 10%! Rien qu'au Canada, les gaz à effet de serre ont augmenté de 20% depuis 1990! Ces évaluations pessimistes ressortent depuis trois ans de chacune de ces "Conférence des parties" (COP) des Nations Unies dont le but est de faire le point sur Kyoto (sur la COP 2003 d'Italie, voir Si cette planète vous tient à cœur).

Autant dire qu'un renversement radical de situation d'ici 2012 est invraisemblable: dans la plupart des pays, on n'atteindra pas cet objectif d'une réduction de 5%. Et cet objectif est d'autant moins vraisemblable que les États-Unis, le plus gros pollueur de la planète, refusent toujours de signer Kyoto.

2. Non seulement les Etats-Unis refusent-ils de signer Kyoto mais l'été dernier, ils ont signé un "traité anti-Kyoto" appelé Partenariat Asie-Pacifique sur le développement propre et le climat: six pays, incluant les trois plus gros consommateurs de charbon de la planète (Etats-Unis, Australie, Japon, et trois puissances énergivores en pleine croissance (Inde, Chine et Corée du Sud). Ces six pays ne s'engagent à aucune réduction de gaz à effet de serre et ne proposent que des "mesures volontaires".

Plusieurs observateurs prétendent que ce traité n'est qu'une façon de mettre de la pression sur les signataires de Kyoto afin qu'ils assouplissent ce Protocole ou qu'ils préparent un Kyoto 2 plus souple, mettant l'accent, par exemple, sur des "mesures volontaires". L'annulation de la première rencontre de ces six anti-Kyoto, qui devait avoir lieu en novembre en Australie, tend à donner du poids à cette hypothèse du bluff: à la Conférence des parties de Montréal, ce traité "anti-Kyoto" sera suspendu au-dessus de la tête des négociateurs, tel une épée de Damocles.

Sauf que si l'intention de ces six pays est bel et bien d'infléchir Kyoto ou d'obtenir un "Kyoto 2" qui correspondrait à leurs attentes, cela revient, dans les faits, à annuler Kyoto tel qu'il avait été conçu à l'origine.

3. L'avertissement de Tony Blair. Le 30 octobre, le premier ministre britannique Tony Blair écrivait dans le quotidien The Observer que le Protocole de Kyoto ne peut pas fonctionner sous sa forme actuelle.

Sans les États-Unis, mais aussi la Chine et l'Inde, une entente planétaire sur la réduction des gaz à effet de serre a de moins en moins de sens. Toute future entente devra donc inclure les Etats-Unis, a écrit le premier ministre.

***

Le fait d'admettre que Kyoto n'atteindra pas ses objectifs ne rend pas obsolètes les efforts des citoyens pour réduire leur propre consommation. Comme le révèlent les prises de positions de dizaines de maires américains (voir ce texte), bien des détenteurs d'un pouvoir, aussi réduit soit-il, sont désireux de faire leur part pour sauver la planète. Mais en mettant autant d'attention sur le Protocole de Kyoto, on risque d'entraîner une désaffection de bien des militants.

Dernier coup dur: cette semaine, une nouvelle étude (voir ce texte) nous apprend que d'ici 2030, si la tendance actuelle se maintient, l'augmentation des gaz à effet de serre sera de... 52%!

- Article rédigé par Pascal Lapointe, 7 novembre 2005.

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