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On connaît les expériences en double aveugle, qui visent à accroître la rigueur des résultats de recherches. Pour aller plus loin: pourquoi pas une révision en double aveugle?

Explication. Les chercheurs sous-estiment généralement à quel point l’expression «en double aveugle» est peu connue du grand public, qui y perd du coup une importante distinction entre des études souvent préliminaires et des études plus solides: celles qui ont investi davantage pour qu’aucun des deux côtés n’ait pu biaiser les résultats. Ainsi, dans le cas d’un médicament, ni le patient ni celui qui lui donne sa pilule ne savent si celle-ci est la vraie pilule, ou le placebo. Double aveugle.

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Or, cette volonté de ne pas influencer, même inconsciemment, les résultats d’une recherche, disparaît à une étape pourtant tout aussi importante: la révision par les pairs. Soit ce moment où une revue transmet à un comité de révision une recherche qu’on lui a soumise pour publication. Si le réviseur connaît l’auteur de la recherche, n’y a-t-il pas un risque que cela biaise sa lecture?

La revue Conservation Biology vient donc d’annoncer qu’elle compte expérimenter la formule de «double aveugle»: les auteurs d’une recherche soumise à la revue continueront de ne pas connaître l’identité de leurs réviseurs, ce qui était déjà la pratique courante, mais désormais, les réviseurs ne connaîtront pas non plus l’identité des auteurs. Le rédacteur en chef Mark Burgman explique que la revue expérimente la formule depuis un an, ce qui lui a valu un «appui écrasant», spécialement chez «les jeunes scientifiques et les minorités». Derrière ce dernier mot, d’aucuns pointent les femmes, dont des recherches récentes ont démontré qu’elles faisaient encore l’objet de préjugés, conscients ou inconscients.

Ne reste qu’à obtenir l’approbation des membres de la Société des biologistes de la conservation, propriétaire de la revue. Seul bémol: plus la recherche est pointue, et plus un chercheur qui planche sur un sujet connexe risque de reconnaître les auteurs à qui il a affaire.

Nature signale de son côté que la révision par les pairs en double aveugle est répandue dans les sciences sociales, et très peu utilisée dans les revues scientifiques. Mais qu’en revanche, une expérience est justement en cours depuis juin 2013 chez Nature Geoscience et Nature Climate Change. Elle n’est offerte qu’à ceux qui en font la demande, et en décembre 2013, seulement 15% de ceux qui avaient soumis à Nature Geoscience avaient demandé cette révision en double aveugle, et seulement 22% chez Nature Climate Change. Une explication possible: ceux qui jouissent déjà d’une bonne réputation souhaitent peut-être, justement, que leur nom soit visible...

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