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Chaque année, environ 80 personnes meurent des suites d’une noyade au Québec. Faciliter l’accès aux cours de natation permettrait-il de réduire ce bilan? Le Détecteur de rumeurs fait le point.


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L’origine de l’idée 

En juillet 2023, La Presse a effectué un résumé d’une cinquantaine de rapports de coroners concernant des décès par noyade. L’analyse révèle que dans tous les cas, les victimes ne savaient que peu ou pas nager. De plus, les coroners ont souligné au fil des années que les enfants issus de l’immigration risquaient davantage de se noyer parce qu’ils n’avaient pas eu la chance de suivre des cours de natation. Ce serait aussi le cas des enfants de groupes défavorisés socio-économiquement. 

En septembre, Le Devoir rapportait que quelques municipalités du Québec donnaient des cours de natation gratuits pour les enfants dans le but de sauver des vies.

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Déjà en 2012, le Bureau du coroner rappelait une recommandation du médecin Jacques Ramsay, émise quatre ans plus tôt : offrir aux élèves du deuxième cycle du primaire le programme « Nager pour survivre » de la Société de sauvetage. 

Efficaces pour prévenir les noyades?

Cette recommandation s’appuyait peut-être sur une étude chinoise qui, en 2007, s’était penchée sur les facteurs de risques derrière les décès par noyade survenus entre 2002 et 2004 chez les enfants de 1 à 14 ans, dans la province rurale du Guangxi. L’étude avait conclu que le fait de n’avoir jamais participé à des cours de natation était un facteur de risque. 

Une autre étude, publiée en 2009 aux États-Unis, avait également conclu que le fait d’avoir suivi des cours de natation semblait être associé à une diminution du risque de noyade chez les enfants de 1 à 4 ans. De plus, dans cette étude, les enfants qui s’étaient noyés entre 2003 et 2005 étaient décrits par leurs parents comme de moins bons nageurs. Par exemple, seulement 5 % d’entre eux pouvaient flotter sur le dos pendant 10 secondes. 

Enfin, selon une étude visant à mesurer les facteurs d’atténuation du risque dans les pays en voie de développement et publiée en 2012, un programme de natation offert aux enfants de 4 à 12 ans en région rurale, aurait permis une diminution des noyades.

C’est en partie sur ces études que l’Académie américaine de pédiatrie s’est basée pour affirmer en 2021 que tous les enfants devraient apprendre à nager. 

Parallèlement, des chercheurs australiens avaient publié en 2020 une revue systématique des études abordant le lien entre les compétences aquatiques et la prévention des noyades chez les enfants âgés de 2 à 4 ans. Ils ont conclu que les données existantes semblent bel et bien indiquer que le développement des compétences aquatiques serait bénéfique pour réduire le risque de noyade. Ils soulignent toutefois que ces études sont petites et que des études de plus grande envergure seraient nécessaires.

Des cours de natation ou de sécurité aquatique?

Les chercheurs australiens apportent comme bémol que le fait de savoir nager ne signifie pas qu’on maîtrise les habiletés requises pour ne pas se noyer. En effet, l’expression « compétences aquatiques » inclut non seulement la natation, mais également la capacité à reconnaître les dangers de l’environnement, à évaluer ses propres habiletés dans l’eau et à venir en aide à une personne en danger. Il s’agit d’ailleurs d’une importante limite de plusieurs des études des deux dernières décennies : les compétences aquatiques enseignées ne sont pas toujours bien définies. 

Une étude publiée en 2013 et portant sur la perception qu’ont les parents, a conclu que ceux-ci ont de la difficulté à juger les habiletés de natation de leur enfant. Plusieurs croient que celui-ci pourra se sauver lui-même dès l’âge de 6 ans. Les auteurs de l’étude recommandent donc d’inclure dans les cours de natation une section s’adressant aux parents pour les sensibiliser aux risques de noyade.

En 2022, des chercheurs chinois ont comparé deux types de cours de natation enseignés à des élèves de 2e année du primaire. Dans le premier, dit traditionnel, les élèves apprenaient simplement à nager la brasse. Dans le deuxième, ils recevaient aussi des enseignements sur la sécurité aquatique et effectuaient des simulations de sauvetage. À la fin de l’étude, les élèves du deuxième groupe avaient de meilleures connaissances en sécurité aquatique et adoptaient moins de comportements risqués. 

Le programme « Nager pour survivre » enseigne d’ailleurs aux enfants comment s’orienter à la surface de l’eau après une chute inattendue, comment se maintenir à la surface et repérer un lieu sûr, et comment nager vers un endroit sécuritaire. L’Académie américaine de pédiatrie (AAP) insiste par ailleurs sur le fait que les cours de natation devraient inclure des séances pour se familiariser à nager avec des vêtements ou une veste de sauvetage, à tomber dans l’eau et à pratiquer l’autosauvetage.

Et les tout-petits?

Selon les chercheurs australiens, les études qui se sont penchées sur les cours de natation offrent généralement peu d’informations sur l’âge optimal pour apprendre à nager aux enfants. En fait, rappelle le document de l’AAP, il fut un temps où les experts craignaient que les cours de natation rendent les tout-petits moins prudents, en diminuant leur peur de l’eau. Aujourd’hui encore, il existe peu d’études portant sur les tout-petits qui permettent de confirmer cette hypothèse.

Par ailleurs, selon les chercheurs australiens, les enfants de 2 à 4 ans sont capables de développer des compétences aquatiques appropriées à leur âge, comme se propulser dans l’eau, flotter, se mettre la tête dans l’eau et sortir de l’eau. Ils soulignent toutefois qu’il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils apprennent des éléments de sécurité aquatique ou qu’ils sachent comment réagir lors d’une urgence. L’AAP recommande pour sa part les cours de natation à partir de l’âge d’un an.

Verdict

Les cours de natation qui abordent la sécurité aquatique et les stratégies à utiliser pour réagir à une chute soudaine dans l’eau peuvent diminuer les risques de noyade. Ils ne peuvent toutefois pas se substituer à une supervision adéquate des parents ou au contrôle des accès à l’eau.

 

Photo: Pikist.com

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