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semaine du 10 novembre 2003



Au-delà du bout du monde

Les marins du Moyen âge étaient convaincus que, s'ils voyageaient assez loin vers l'Ouest, ils atteindraient le bout du monde et tomberaient dans le vide. La sonde Voyager 1 est en train d'atteindre un autre bout du monde. La frontière entre notre bulle et le reste du cosmos.

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Elle ne tombera pas, mais la science en sortira grandie. Et pas seulement l'astronomie: au cours des prochaines années, la climatologie tirera sûrement des enseignements des données que renverra Voyager 1 depuis cette mystérieuse frontière qu'on appelle l'héliopause, à 13 milliards et demi de kiliomètres d'ici.

Mais est-elle vraiment en train de franchir cette frontière? En dépit de l'attention qu'ont consacré les médias à Voyager 1 ces derniers jours, on est loin d'en être sûr. Comme cette sonde spatiale est la toute première à se rendre aussi loin, et parce que le passage de cette héliopause pourrait s'étaler sur des années, il faudra s'armer de patience.

Pour comprendre ce qui se passe, il faut imaginer le système solaire, soit notre Soleil et les planètes qui lui tournent autour, comme étant enfermé dans une bulle: c'est l'héliosphère. C'est la zone d'influence du vent solaire: en d'autres termes, la zone d'influence des particules électriques émises par notre Soleil en permanence, tout particulièrement lors des éruptions, particules qui filent à des vitesses de l'ordre de 400 à 750 kilomètres par seconde (au moins huit fois la vitesse du son). Au-delà de cette zone, ce sont les particules émises par les autres étoiles qui dominent. La zone grise entre les deux -l'héliopause- est donc la zone où le vent tourne: à l'intérieur de la bulle, les particules émises par le Soleil; à l'extérieur, celles expédiées vers nous par le reste du cosmos.

Les physiciens savaient depuis longtemps que lorsque Voyager 1 et sa consoeur, Voyager 2, lancés en 1977, franchiraient cette frontière, leurs instruments en rendraient compte, en raison du ralentissement, puis de l'interruption du vent solaire. Or, ce lieu fascine les physiciens, parce qu'il doit être un prodigieux mixeur de ces particules chargées électriquement. De leurs collisions, certaines voient peut-être leurs énergies respectives multipliées par 10 000, pour former un rayon cosmique anormal.

Peu de ces choses pourront être observées par Voyager 1, dont les instruments sont trop fatigués et dont la radio est trop faible pour envoyer une masse de données vers nous. Mais chaque bribe d'information permettra de dessiner une carte de l'héliosphère, qui ne forme pas une bulle sphérique, mais elliptique: elle se déforme continuellement, au hasard des tempêtes solaires et du déplacement de notre Soleil et de ses planètes au sein de la galaxie.

Trois études sont consacrées à Voyager 1: deux dans la revue Nature, une troisième dans les Geophysical Research Letters. C'est une des études de Nature qui nie que les dernières observations de Voyager, remontant au mois d'août 2002, correspondent à l'héliopause: pour Frank McDonald, de l'Université du Maryland et ses collègues en effet, ces données qui réjouissent ses collègues ne sont en rien concluantes. Comme le détecteur de plasma de Voyager –seul capable de fournir une mesure directe du vent solaire– est tombé en panne il y a longtemps, Stamatios M. Krimigis, du Laboratoire de physique appliquée à l'Université Johns Hopkins et ses collègues qui signent l'autre article, ont dû se rabattre sur une analyse des particules à basse énergie, et c'est de là que provient leur conclusion que le vent solaire a décliné dans le voisinage atteint par la sonde. Ils affirment également avoir détecté une multiplication du nombre de particules "étrangères" -c'est-à-dire provenant non de notre Soleil, mais du reste du cosmos. McDonald n'y voit pour sa part qu'un signe précurseur de l'héliopause, non l'héliopause elle-même.

Au pire, Voyager 1 est donc très près des limites de notre système solaire. Il est à 90 unités astronomiques (UA) du Soleil, soit 90 fois la distance Terre-Soleil. Les estimations plaçaient l'héliopause entre 85 et 120 UA. Qui plus est, comme on vient de le dire, l'héliopause est une frontière mouvante: elle peut s'éloigner lorsque l'activité solaire se fait soudain plus intense. Ainsi, Krimigis affirme qu'en février 2003, soit six mois après les principales observations, Voyager 1 aurait été à nouveau assailli par le vent solaire: un peu comme des vagues qui viennent lécher vos pieds après avoir reculé. Sur ce point aussi, il faudra des années avant d'éclaircir tout cela –si les instruments de Voyager veulent bien tenir le coup jusque-là.

Sa soeur jumelle, Voyager 2, vogue dans une autre direction, et devrait atteindre la distance de 90 UA dans cinq ou six ans. Il faut se rappeler que Voyager 1 et 2 ne devaient à l'origine fonctionner que pendant cinq à sept ans: elles sont parties à la rencontre de Jupiter et de Saturne, et devaient ensuite aller se perdre dans le vide interstellaire, porteurs d'un disque et d'une plaque destinés à d'éventuels extra-terrestres. Mais Voyager 2 fonctionnait si bien qu'après Saturne, on l'avait d'abord détourné vers Uranus, puis vers Neptune, fournissant aux Terriens le tout premier contact avec ces planètes.

Un dernier point. Que diable vient faire la climatologie dans une analyse de particules à basse énergie voguant à plus de 13 milliards de kilomètres? Tout simplement, ces particules électriques interagissent avec l'atmosphère de notre planète. Plus les chocs sont nombreux là-bas, plus nombreuses sont ces particules qui, avec une énergie multipliée par 10 000, retombent vers nous; celles qui passeront au-travers du champ magnétique terrestre pénétreront dans notre atmosphère où elles attireront les molécules d'eau, provoquant de la pluie.

Y aura-t-il davantage de pluie, des températures plus basses, plus élevées? Quelques climatologues débattent là-dessus depuis des années. Peut-être qu'une sonde spatiale voguant aux confins de notre bulle cosmique leur apportera des embryons de réponses.

 


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