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Il y a déjà longtemps que, dans plusieurs régions des États-Unis, l’enseignement de l’évolution, dans les cours de biologie, fait l’objet d’une opposition de ceux qui y voient un affront à leurs valeurs. Les mêmes groupes de pression semblent avoir à présent augmenté leurs assauts contre l’enseignement de tout ce qui concerne la réalité climatique. 

Un affrontement qui s’inscrit dans ce que d’aucuns appellent une « guerre culturelle » autour des conseils scolaires et des bibliothèques: on a davantage parlé ces dernières années d’offensives pour retirer des livres ou des cours qui sont consacrés au racisme ou à l’identité de genre. Mais les sciences de l’environnement font désormais partie des cibles, et l’offensive s’étend jusqu’à l’université.

Ainsi, la législature de l’Ohio devrait voter sous peu une loi (Higher Education Enhancement Act) qui obligerait les collèges et les universités à enseigner « les deux côtés » de la question des changements climatiques. Un membre du conseil scolaire de Pennsylvanie veut interdire un roman qui parle de climat. En Floride, on vient d’approuver l’usage de contenus, dont des vidéos, produits par un groupe conservateur financé par l’industrie des carburants fossiles, à l’intention des élèves allant de la pré-maternelle jusqu’à l’école secondaire. Enfin, un groupe de pression national associé de longue date aux mouvements conservateurs, l’Institut Heartland, a distribué aux enseignants 6000 livres anti-climat cette année, et en distribuait 25 000 par année avant la pandémie. 

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« L’enseignement des changements climatiques fait partie des guerres culturelles en cours », commente le directeur du National Center for Science Education —un groupe sans but lucratif affilié à l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), la plus grosse association multidisciplinaire de scientifiques. 

Au Texas, remarque cette semaine un reportage (réservé aux abonnés) du média en ligne E&E News (Environment & Energy), « les membres du conseil scolaire ont tenté ces dernières années de bloquer des programmes qui parlent de réduction des gaz à effet de serre, préférant qu’on mette plutôt l’accent sur les bénéfices des carburants fossiles. Le conseil doit à présent décider s’il bloque les manuels scolaires qui décrivent fidèlement la science du climat. »

Bien que les États-Unis soient beaucoup plus divisés sur la question climatique que les autres pays, les sondages révèlent toutefois un changement générationnel: les plus jeunes, incluant les partisans du parti républicain, se disent plus préoccupés des risques posés par les changements climatiques que leurs aînés. 

Cette évolution explique peut-être que certains des efforts des groupes conservateurs aient échoué. Le besoin d’intégrer la crise climatique aux programmes scolaires est en effet à ce point présent qu’au Montana, une loi sur « le fait scientifique » —qui aurait décrété que la science du climat est une théorie— a été défaite à la législature. Tout comme un effort en Caroline du Nord pour remplacer le cours « sciences de la Terre » par un cours d’informatique. 

Dans une analyse parue en août sur « la guerre culturelle des changements climatiques », le géographe britannique Ed Atkins laissait toutefois entendre que de sortir de cette « guerre » sera plus difficile qu’il n’y paraît: on en est rendu au point, écrit-il, que même des choix de consommation, comme de se défaire d’une cuisinière au gaz, sont commentés en fonction de lignes idéologiques. Dans ce processus, tout peut devenir prétexte à un affrontement: « bien que les préoccupations relatives aux cuisinières au gaz soient liées à la santé publique, c’était présenté par les détracteurs comme représentatif d’une action climatique ».

Autrement dit, plutôt que de se dire simplement « sceptiques » face aux changements climatiques et aux mesures d’adaptation à mettre en place, « les personnalités politiques travaillent à lier l’action climatique à des batailles idéologiques plus larges sur l’économie, la société et l’identité. À l’intérieur de telles batailles, de nouveaux objets » —comme les cuisinières au gaz— se feront coller de « nouvelles significations » au fur et à mesure que ces objets apparaîtront sur le marché ou en disparaîtront.

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