Kismet, c'est son nom, est une
machine du Laboratoire dintelligence artificielle
du Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Alors que le dernier film de Steven Spielberg
A.I. remet sur la sellette le
thème de landroïde conscient,
les scientifiques bossent sur des versions primitives
de robots capables dimiter non seulement
les gestes des humains mais aussi leurs réactions.
Et si les scientifiques ont, depuis plus de
30 ans, bien des difficultés à
reproduire les gestes, ce n'est rien à
côté des maux de tête que
leur procurent les émotions.
Cela n'empêche pas que Kismet
une tête robotisée capable
dexpressions faciales soit d'ores
et déjà une merveille dingéniosité
technique. Ses concepteurs ne refèrent
déjà plus à lui comme à
une machine, mais lappellent demblée
par son prénom.
Plus quun robot : une créature!
"Cest un système
très compliqué que nous avons
assemblé. Ce que nous voulions faire,
ce nétait de créer un robot
mais bien une créature avec tout ce que
cela comporte", explique le Dr Cynthia
Breazel, responsable du projet au MIT.

Kismet est doté de 21 moteurs
qui lui permettent de bouger la tête,
les yeux, les lèvres, les paupières,
les oreilles et les sourcils. Malgré
ses airs de Furby inachevé, il peut donc
avoir toute une gamme dexpressions, en
réaction avec son environnement.
"Ce langage corporel nous
permet aussi dêtre sûr quil
comprend ce quon lui dit", explique
le Dr Cynthia Breazel. Kismet devient tout sourire
lorsquon lencourage et triste si
on le gronde. Il reconnaît les intonations
dans la voix et change lui-même de ton
pour exprimer sa joie ou sa déception.
Il nous suit des yeux dès quon
entre dans la pièce.
Car Kismet nest pas quun
"animatronic" comme ceux du cinéma.
Autrement dit, il ne fait pas quimiter
: il réagit aux stimulis et apprend.
Des lignes et des lignes de psychologie humaine
entrent dans sa programmation et Kismet a un
peu les réactions dun jeune enfant
face à son entourage.
Conçu pour une interaction
face à face, il peut aussi percevoir
certains stimulis comme une agression. Si on
agite un jouet devant lui, il pourra se sentir
menacé et détournera la tête
dans une attitude normale de fuite. "Parfois
un jouet narrivera pas à lintéresser
et il préférera engager la conversation
en cherchant plutôt le visage de son intelocuteur.
Un signal normal dans une interaction humaine",
ajoute Cynthia Breazel.
Des limites techniques
Kismet est toutefois encore à
des années-lumières des androïdes
du cinéma. Ainsi, pas question de le
déplacer : sa tête est reliée
à 15 ordinateurs situés dans une
autre pièce et fonctionnant en parallèle.
Le système de vision de Kismet est doté
de quatre caméras et neuf des ordinateurs
servent uniquement à cet aspect de la
perception sensorielle: il faut tout cela pour
que le robot puisse percevoir la distance et
les expressions faciales de son interlocuteur.
Pour lui parler, on doit également
utiliser un microphone, car il a encore du mal
à déchiffrer notre voix sil
y a trop de bruits dans la pièce où
il se trouve.
On peut aisément imaginer
lampleur des défis techniques qui
permettraient de relier la robotique et lintelligence
artificielle, pour créer un androïde
complet capable de se déplacer et dexprimer
des émotions.
Mais la chose est-elle envisageable?
On songe par exemple à utiliser des composants
organiques dans déventuels androïdes
et, déjà, Honda a créé
un robot à forme humaine qui marche alors
que Sony vend un chien-robot comme animal domestique.
Où tracer la ligne si des robots en partie
organique et capables de sentiments sont mis
sur le marché ?
Le Dr Breazel ne croit pas quon
en arrive là. "Il y a peu de nécessité
à construire des robots qui ressembleraient
trop aux humains. Mais les androïdes donneront
peut-être lieu un jour à un débat
de société comme cest le
cas actuellement pour le clonage", pense-t-elle.
Nempêche que Kismet
réussit déjà à changer
notre perception des machines intelligentes.
Il nest pas quun vulgaire ordinateur
et les gens sadressent naturellement à
lui comme à un enfant ou un animal de
compagnie. Bref, à quelque chose dorganique.
"Quand on me demande si Kismet
a des émotions, je dois bien sûr
répondre non. Bien que ces réactions
soient modulées sur les émotions
humaines, ce nen sont que des simplifications",
insiste le Dr Breazel.