
Le 16 octobre 2003

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Information gratuite: la contre-attaque
(Agence Science-Presse) - La guerre de l'information
gratuite vient de franchir une nouvelle étape: l'un
des navires-amiraux a lancé sa publication, tel que
prévu, à grands renforts de publicités.
En juin et juillet, les téléspectateurs
de trois grandes villes américaines ont eu droit
à des publicités de 30 secondes, payées
par l'organisme en question, où un personnage, avant
de s'envoler vers le ciel à la manière du
héros de La Matrice, annonçait qu'avant
la fin de l'année 2003, l'organisme Public Library
of Science, "rendra possible aux gens de partout dans le
monde d'accéder aux dernières décuovertes
scientifiques".
L'annonce était un brin pompeuse, puisque
le nouveau bébé de cet organisme, la revue
PLoS Biology, n'est qu'une revue parmi des centaines
d'autres revues qui publient, chaque semaine ou chaque mois,
les dernières découvertes scientifiques.
Mais l'effort promotionnel intense autour
de PLoS et la sympathie que suscite cette cause inquiète
suffisamment les grands de l'édition que sont par
exemple le New England Journal of Medicine, Science,
Cell ou Nature, pour que cette dernière
ait publié la semaine dernière, comme par
hasard, une analyse
(accès payant) mettant en doute la viabilité
d'un tel système. Qui paiera pour la gratuité?
titre d'emblée cette analyse.
C'est que les éditeurs sont inquiets.
En dépit de leur public très spécialisé,
ces revues savantes sont très lucratives: tout centre
de recherche qui se respecte, toute bibliothèque
universitaire qui se respecte, n'a d'autre choix que de
s'y abonner. Or, à l'heure où les coûts
d'abonnement montent en flèche, depuis quatre ans,
de plus en plus de chercheurs contestent: une bonne partie
de la recherche scientifique, rappellent-ils, est subventionnée
par les gouvernements; la science fait partie du patrimoine
de l'humanité; et les coûts d'abonnement prohibitifs
creusent encore plus l'écart entre les inforiches
et les infopauvres de la planète; ne serait-il pas
normal que l'accès aux résultats scientifiques
soit gratuit? Une pétition réclamant l'accès
gratuit dans les six mois suivant la publication a déjà
recueilli plus de 30 000 signatures, le PLoS Biology
a été créé grâce à
des contributions de nombreuses compagnies privées
et, plus tôt ce mois-ci, le Wellcome Trust, le plus
important organisme subventionnaire de la science au monde,
donnait son appui de principe (voir
ce texte).
Mais si on supprime les revenus d'abonnements,
avec quoi financerons-nous nos revues, demandent donc les
éditeurs par l'intermédiaire de cette analyse
parue dans Nature. Il faut payer les chercheurs à
qui on demande de réviser les recherches de leurs
confrères avant publication et il y a des centaines
de ces recherches à réviser, pour seulement
quelques dizaines qui seront finalement publiées.
L'idée maîtresse de PLoS, qui
est de facturer les universités et les centres de
recherche 1500$ pour chaque article accepté
est originale, mais n'a pas encore fait ses preuves. En
Grande-Bretagne, l'organisme BioMed Central, qui fait la
promotion de l'accès gratuit depuis 1999 et rassemble
aujourd'hui près de 150 revues savantes, laisse chacune
libre de se financer suivant la formule qui lui convient.
Qui plus est, les sciences de la vie sont
peut-être dans une catégorie à part.
"Pour la plupart des chercheurs en sciences physiques, rappelle
le journaliste Declan Butler, la campagne de PLoS est déjà
de l'histoire ancienne: ils rendent déjà leurs
articles accessibles gratuitement, avant la publication
formelle, en utilisant des archives de prépublication
sur Internet, telles que arXiv.org." De leur côté,
les biologistes, en général, ne sont pas à
l'aise avec le système de prépublication:
à l'heure où les découvertes en génétique
se bousculent, leur milieu est beaucoup plus compétitif
et la crainte de se faire voler une idée, beaucoup
plus grande.
En attendant, PLoS Biology (auquel
doit s'ajouter, en 2004, PLoS Medicine) a encore
des croûtes à manger. Bien que le contenu de
son premier numéro soit digne d'intérêt,
il n'en demeure pas moins que la majorité des scientifiques
préfèrent encore le prestige d'une publication
dans Nature ou Science: ça vaut mieux
pour la renommée, la crédibilité
et les futures subventions.
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